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Christ Sauveur

2 et 3 juillet 2022, églises Sacré-Cœur et Sainte Jeanne d’Arc de La Rochelle

Chers frères et sœurs,
On va commencer par un cas pratique juridique :
Vous êtes dans votre jardin et vous entendez un bruit bizarre chez votre voisin. Vous
regardez par-dessus la haie, et vous voyez votre voisin qui fait un infarctus. Vous
vous précipitez, il ne respire plus, vous appelez les secours, et vous entamez un
massage cardiaque… Les pompiers arrivent, mais trop tard : le voisin est mort.
C’est triste, mais juridiquement, vous ne risquez rien : vous avez porté assistance à
une personne en danger. Sauf qu’après autopsie, on vous apprend que le voisin aurait
pu être sauvé par les pompiers. En fait, c’est vous qui l’avez tué : au lieu de lui masser
le cœur, vous lui avez compressé la trachée et vous l’avez étouffé !
Question pour votre avocat : êtes-vous susceptible de poursuites si en portant
secours, vous avez causé un dommage plus grand ?
En France, comme au Québec ou aux États-Unis, la réponse est non. Vous ne risquez
rien. Et outre Atlantique, cette loi qui protège celui qui a mal porté secours, s’appelle
« la loi du bon samaritain ».
C’est dire si la parabole d’aujourd’hui a marqué notre civilisation.
Jésus et notre société construite par le christianisme nous invitent à être de bons
samaritains, à prendre le risque d’aider ceux qui sont en détresse.
L’exigence de Jésus va particulièrement loin : il nous demande d’être de bons
samaritains même avec ceux s’ils ne sont pas de notre clan, même si, comme dans
l’Évangile, l’homme à terre est impur, parce qu’il a été touché par des bandits. C’est
une des raisons pour lesquels le lévite et le prêtre n’y vont pas. Ce n’est pas d’abord
parce qu’ils seraient méchants. C’est d’abord parce que leur loi religieuse leur
interdit : s’ils touchent cet homme, ils deviendront impurs. C’est choquant n’est-ce
pas ? Mais sommes-nous tellement différents ? Quand nous voyons des clochards
particulièrement sales et qui pourtant ont besoin d’aide, comment réagissons-nous ?
Attention à ne pas juger le lévite et le prêtre trop vite…
Le samaritain, lui qui est pourtant peu recommandable aux yeux des juifs, n’est pas
tenu par ces règles sur l’impureté, et n’a pas de scrupules. Il y va.

Cette parabole, nous la connaissons par cœur. Elle est passée dans notre culture
commune, comme le montre l’existence des « lois du bon samaritain ».
Et on nous a toujours expliqué que dans le bon samaritain, il nous faut voir le Christ.
Ce qui est juste ! C’est le sens de toutes les précisions que nous donne Luc. Le bon
samaritain nous renvoie à Jésus lui-même :
– Il est sur la route entre Jérusalem, qui symbolise le ciel, et Jéricho, qui
symbolise la terre, comme Jésus qui de sa divinité, rejoint notre humanité,
– Le bon samaritain soigne l’homme blessé avec de l’huile et du vin, comme
l’huile, qui est l’onction du baptême et de la confirmation, et le vin, qui est
celui de l’Eucharistie,
– Le bon samaritain est passé une première fois pour sauver l’homme blessé, et
il précise bien à l’aubergiste qu’il repassera, tout comme Jésus reviendra à la
fin des temps.
Ce bon samaritain est manifestement la figure de Jésus, qui conclut : « va, et toi aussi,
fais de même ». L’explication est claire : en étant appelés à être de bons samaritains,
nous sommes appelés à imiter Jésus.
Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil.
Sauf que c’est un peu court. Jésus ne se contente pas de dire : fais comme moi. Jésus
n’agit pas en prof, genre : je te montre la recette et si tu arrives la même tu seras
qualifié pour le Royaume. Si le Royaume était une affaire de recette à appliquer, vu
mes talents de cuisinier, je serais mal parti…
Quand vous prendrez le temps de relire cet évangile à tête reposée, vous verrez en
effet que le « va, et toi aussi, fais de même » n’est que la 2e partie de la conclusion
de la parabole. Et nous oublions toujours la 1e partie.
Quelle était la question de départ ? Au début, la question est : « qui est mon
prochain ? » Jésus dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Alors le docteur
de la loi lui demande : mais qui est mon prochain ?
Et après l’histoire, Jésus demande : alors, qui est le prochain de l’homme tombé aux
mains des bandits ? C’est le bon samaritain. Le bon samaritain a été le prochain de
l’homme à terre. Pas l’inverse !
Conclusion, quand Jésus demande d’aimer son prochain, il demande d’aimer le bon
samaritain, pas l’homme blessé. Il demande à ce qu’on l’aime, lui, qui est le bon
samaritain.

Donc la conclusion est double ! Jésus nous dit :
– Aime moi, et aime moi aussi à travers ton prochain qui prend soin de toi, aime
moi qui suis présent dans tes frères,
– Puis, toi aussi, fais de même, agis en bon samaritain, imite-moi et sois le
prochain de tes frères.
Aimer son prochain, c’est ici aimer ceux qui nous ont secourus, donc au premier
chef, aimer Dieu. Au cœur de cette parabole il y a ceci que nous ne voyons jamais :
aimer son prochain c’est reconnaître la dette d’amour que j’ai envers tous ceux qui
m’aiment et m’aident à l’image du Christ. Je dois aimer mon prochain comme j’aime
Dieu, parce que Dieu m’aime à travers mon prochain.
Autrement dit, si je veux être capable d’être comme le bon samaritain, il me faut
d’abord me reconnaître comme l’homme blessé, comme celui qui a besoin de son
sauveur, celui qui a besoin d’être aimé et relevé, soigné par Dieu, par son prochain.
Avant de donner, il faut recevoir. Pour être capable de suivre le Christ et de vivre
comme lui, il faut nous reconnaître dépendants de lui, mendiants de lui.

Ensuite seulement, nous serons en mesure de redonner cet amour, en étant nous-
mêmes les prochains de nos frères, de bons samaritains, témoins concrets de l’amour
de Dieu. Amen

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