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Christ Sauveur

7ème dimanche du Temps Ordinaire 19 et 20 février 2022

Chers frères et sœurs,
J’imagine que certains d’entre vous ont déjà vécu ce genre de conversation : vous
dites que vous êtes catho, et la personne en face vous fait une réponse du genre « toi ?
t’es catho ? mais alors t’es contre l’avortement, contre l’euthanasie, contre le travail
des femmes et pour les familles de 17 enfants ? ».
Alors là, un peu déstabilisé, vous répondez : « ben… non, enfin, c’est un peu plus
compliqué… c’est surtout que j’essaye de suivre Jésus. Pour le reste, viens boire un
verre à la maison et on en reparle ».
Bref, il arrive que notre foi soit réduite à des considérations morales.
Mais les lectures d’aujourd’hui nous rappellent que la morale chrétienne, ce n’est ni
une liste de règles à suivre, ni un ensemble de valeurs auxquelles il faudrait adhérer,
comme on signe un règlement intérieur. La morale chrétienne, c’est la conséquence
d’un Évangile authentiquement vécu. Les valeurs morales ne sont pas les bases de
notre foi, elles en sont la conséquence.
Prendre le Christ comme modèle pour ma vie a évidemment des conséquences, et
entre autres des conséquences d’ordre morale et éthique. Mais prendre le Christ
comme modèle, ce n’est pas entrer dans un « fais pas ci, fais pas ça ». C’est de l’ordre
d’un cheminement, d’un parcours jamais achevé, avec des chutes, des relèvements,
des pardons, un parcours que les lectures d’aujourd’hui décrivent.

Au début de ce parcours, il y a Adam, cette pâte humaine pas très douée dans les
choses spirituelles. Adam, c’est notre humanité qui ne répond pas à sa vocation
divine et qui préfère se laisser inspirer par le serpent, celui qui distille la méfiance
vis-à-vis de Dieu. Cette méfiance, cette violence, habitent toujours notre cœur. Nous
portons toujours en nous cette humanité d’Adam.
Cette humanité, on la voit dans la 1e lecture chez Saül, dans cette violence qui habite
Saül quand il veut se débarrasser de David.

Cette humanité d’Adam va engendrer Caïn et Abel. Caïn tue son frère parce qu’il ne
sait pas aimer. Il n’est pas capable d’aimer parce qu’il ne sait pas qu’il est aimé.
Le premier pas pour vivre en chrétien, c’est apprendre à nous laisser aimer par Dieu,
pour faire reculer cette humanité d’Adam en nous. On le sait bien, c’est très
compliqué d’aimer quand on n’a pas la conscience d’être aimé. Pourtant Dieu aime
chacun de nous d’un amour sans mesure, d’un amour miséricordieux, c’est-à-dire
d’un amour qui ne varie pas selon les circonstances.
Après Adam, il y a David.
Si on suit la logique des fils d’Adam, David devrait tuer Saül. Mais David refuse, il
casse le cercle vicieux de la violence.
David, c’est notre humanité qui progresse parce qu’elle se sait aimée. Alors, sans
encore aimer tous les hommes, elle parvient à en aimer quelques-uns. David épargne
Saül et l’aime parce qu’il reconnaît en lui celui qui a été choisi par Dieu, celui qui a
été oint par Dieu.
Et nous apercevons déjà ce qui sera l’ultime étape de la vie morale chrétienne :
reconnaître en chaque être humain celui qui a reçu l’onction du Seigneur, quelle que
soit sa fragilité ou son inutilité sociale.
Mais avant cette ultime étape, après Adam et David, il y a le Christ, le Christ qui est
le nouvel Adam.
Jésus est le nouvel Adam parce qu’il vient donner un nouveau départ à notre
humanité. Il est l’humanité idéale, celle désirée par Dieu lors de la Création mais que
l’humanité a refusé. Il est cette humanité qu’à la suite du Christ, nous désirons
atteindre.
Saint Paul nous explique que le nouvel Adam ne vient pas d’abord de la terre, mais
du ciel ; qu’il n’est pas d’abord physique, mais spirituel ; qu’il n’entre pas dans les
logiques de mort, mais qu’il choisit toujours les logiques de vie. Autrement dit,
contrairement à Adam, le nouvel Adam, lui, ose répondre à sa vocation divine.
Et après le Christ, il y a nous. Nous, qui sommes naît à cette nouvelle humanité par
le baptême, et qui demeurons constamment tiraillés entre l’ancienne et la nouvelle
humanité, entre Adam et Jésus.

Frères et sœurs, nous voyons bien que l’histoire de l’humanité, et l’histoire de
chacune de nos vies, c’est le récit de cette conversion de l’homme qui apprend peu à
peu à dominer sa violence (c’est Adam, Caïn et Abel), qui apprend peu à peu à aimer :
quelques-uns d’abord (c’est David) puis tous les autres avec en premier les plus
fragiles (c’est le Christ).
La vie morale chrétienne, c’est ce chemin que nous avons tous à parcourir.
La vie du Christ nous révèle une manière de vivre, une manière de comprendre la
vie, une manière de nous comporter qui est conforme, logique, compte tenu de
l’amour dont Dieu nous aime. C’est une manière de comprendre l’homme, une
manière de comprendre Dieu, une manière de comprendre la relation entre Dieu et
l’homme. Cet ordre des choses qui ne dépend ni de l’époque ni des circonstances,
c’est ce qu’on appelle la loi naturelle. Et cela porte des conséquences dans nos vies
concrètes.
En fait, la morale, ce n’est pas compliqué, c’est Dieu nous aimes et qui nous invite à
l’imiter au quotidien et à toujours progresser tout au long de notre vie. Cette vie
morale est donc un cheminement avec une direction, une destination : « Votre
récompense sera grande, vous serez les fils du Très-haut ». Cette destination, c’est le
Royaume.
La vie morale est exigeante, parce que l’amour, la vie, le pardon sont exigeants. La
vie morale vise haut, parce que la destination est haute : c’est le Royaume de Dieu.
Mais cette vie chrétienne libère et nous découvre notre véritable vocation : celle
d’enfants qui reconnaissent Dieu comme père.
Amen

Père Louis Chasseriau

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