Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Voilà la Sainte Trinité que nous célébrons aujourd’hui. Ce signe de croix en est sans
doute l’expression la plus habituelle. Mais si nous commençons à en creuser le sens,
ça peut très vite apparaître compliqué et partir en leçon de théologie peu accessible.
Je vous rassure, ou pas, c’est selon, mais cette homélie ne sera pas une leçon de
théologie sur la Trinité.
Parce que ce serait dommage de réduire la Trinité à une théologie, alors que pour
Jésus, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, il s’agit de la chose la plus
naturelle qui soit, puisqu’il s’agit de son identité. « Tout ce que le Père possède est à
moi (…) ; L’Esprit reçoit ce qui vient de moi ». C’est comme ça, dit Jésus, nous
sommes un et trois, et en fait ce n’est pas compliqué.
Pour comprendre à quel point c’est simple, je vous propose de partir d’une réalité :
si nous sommes à l’image de Dieu, ça veut dire que nous sommes à l’image de la
Trinité. Donc la Trinité fait partie de nous. Nous ne sommes pas des êtres trinitaires,
comme Dieu, mais nous sommes à l’image de la Trinité.
La Trinité n’est donc pas un concept extérieur à nous, mais une réalité présente en
nous. Or si la Trinité est présente en nous, on doit pouvoir la comprendre aisément.
Pour ça, je vous propose un exercice : fermez les yeux.
Pensez à quelqu’un que vous aimez, que vous aimez vraiment. Ça peut être votre
femme, votre mari, un ami, une amie, Jésus, votre enfant, le gâteau au chocolat que
vous avez mangé hier soir… même si ça fonctionne moins bien avec le gâteau.
Fermez les yeux et pensez-y, visualisez-le. Au moment où je vous parle, il y a vous,
sur cette chaise, dans cette église et en vous, il y a la présence de cet être aimé. Ce
n’est pas une présence physique, palpable, mais c’est une présence quand même. Cet
aimé est là, en vous.
Regardez maintenant le sentiment qui vous unit à lui. Matérialisez le si ça peut vous
aider. Il y a un lien qui vous unit, comme un fil. Ne pensez plus à l’être aimé mais à
cet amour qui vous relie, à ce lien particulier qui vous attache à lui. Ce lien-là est en
vous lui-aussi. C’est l’amour.
En vous, il y a à la fois vous-même, vous qui aimez, qui êtes l’aimant, il y a aussi
l’aimé, la personne que vous aimez, et il y a l’amour. L’aimant, l’aimé, l’amour :
voilà l’image de la Trinité en vous.
Vous pouvez rouvrir les yeux. Vous voyez, vous ne vous êtes pas divisés en trois.
Vous êtes parfaitement un. Et pourtant, en vous, il y a trois éléments à la fois distincts
et profondément unis qui permettent de dire que vous êtes un être de relation. C’est
ça la Trinité, c’est une unité qui est pourtant relationnelle en elle-même.
La Trinité, ce ne sont pas trois Dieux. C’est un Dieu. Mais en lui, il y a de l’aimant,
un Père qui aime, de l’aimé, un Fils qui se reçoit du Père, et de l’amour, l’Esprit de
Dieu. Dieu est relation, et cette relation est présente en lui-même.
Vous voyez, il n’y a rien de plus naturel que la Trinité.
Une fois qu’on a compris ça, on peut en tirer des conséquences pour notre vie de foi.
Parce que si nous hommes images du Dieu un et trine, nous devons vivre à cette
ressemblance. Dit autrement, si nous cherchons à vivre à la ressemblance de Dieu,
quelque chose de la Trinité doit se percevoir dans notre façon d’être en relation.
Je vous propose trois exemples concrets.
1/ Il peut nous arriver de nous centrer sur nous-mêmes, de devenir légèrement
egocentriques. Dans ces moments-là, nous ne sommes plus à l’image de Dieu
trinitaire. Il n’y a bien l’amour et l’aimant, mais plus l’aimé. Nous nous aimons nous-
mêmes, ou bien nous aimons ce qui en l’autre est comme nous, ce qui revient au
même. Alors nous nous éloignons de Dieu.
2/ De même, quand nous sommes en relation avec tout le monde mais en fait avec
personne, parce que nous ne parvenons pas à aimer vraiment qui que ce soit, ou alors
quand nous entretenons des relations par pur intérêt, alors il y a moi, l’aimant, il y a
les autres, les aimés, mais il manque l’amour. Alors nous ne sommes plus à l’image
de la Trinité.
3/ Enfin, quand nous ne faisons pas attention à nous-même, que nous nous
négligeons. Nous ne sommes plus à l’image de la Trinité non-plus. Il y a l’amour, il
y a l’aimé, mais il n’y a plus l’aimant.
Frères et sœurs, la Trinité, ce n’est pas un concept théologique. C’est la réalité de
notre vie, parce que c’est la réalité de Dieu et parce que nous sommes à son image.
Si nous comprenons cela, alors la Trinité ne sera plus un problème pour nous. Si nous
comprenons cela, alors nous avons toutes les chances de vivre en plénitude, parce
que nous nous rapprocherons de la vie de Dieu. Amen.
P. Louis Chasseriau