Quand on entend certains passages d’évangile, on aimerait pouvoir voyager dans le
temps et assister à la scène. Ici, Jésus ressemble à un enseignant qui tente d’expliquer
une leçon que personne ne comprend. Jésus tente de faire comprendre ce qu’est le
Royaume de Dieu, mais ça n’a pas l’air de fonctionner. Marc nous dit qu’il essaye
« par de nombreuses paraboles ».
Alors, ce Royaume, c’est quoi ?
Pour répondre à cette question, il faut préciser deux choses.
D’abord, quand nous employons le mot « royaume » aujourd’hui, nous pensons
plutôt à des territoires : le royaume d’Angleterre, d’Espagne…
Mais à l’époque de Jésus, quand on parle de royaume, on parle de la souveraineté
elle-même, pas du territoire sur lequel elle s’exerce. Autrement dit, quand Jésus parle
du Royaume de Dieu, il parle du pouvoir de Dieu. C’est pour ça que la traduction
liturgique que nous utilisons au cours de la messe parle de « Règne » plutôt que de
Royaume. Le Royaume de Dieu, c’est la souveraineté de Dieu sur nos vies, pas un
lieu.
Deuxième précision : à l’époque de Jésus toujours, il y a deux conceptions de ce
Règne de Dieu.
Les pharisiens pensent que ce pouvoir souverain de Dieu adviendra quand tout le
monde sera fidèle à la Loi, aux commandements. C’est une logique d’obéissance en
vue d’un résultat qu’est le Règne de Dieu.
Mais d’autres pensent que ce Règne ne dépend absolument pas de l’homme, mais de
Dieu lui-même. Pour eux, le Royaume dépend d’un évènement à venir qui est entre
les mains de Dieu et qui sera un dépassement de la logique de la Loi.
Et vous le savez bien, Jésus va se situer dans cette deuxième logique. L’évènement
qui marquera l’avènement du Royaume sera son retour dans la gloire.
Donc si on résume, le Royaume c’est :
– La souveraineté de Dieu sur nos vies,
– Qui sera parfaite quand Jésus reviendra dans la gloire, ce retour dépendant de
la volonté de Dieu et pas de notre mérite.
C’est très important de comprendre ça. Parce que si on ne le comprend pas, on se
comporte instinctivement comme des pharisiens. On croit que le Royaume de Dieu
dépend de notre capacité à faire grossir l’Église. Vous savez, c’est l’idée que quand
tout le monde sera converti, ce sera le Royaume de Dieu. Du coup, on veut toujours
organiser plein de choses, plein d’évènements, alors on veut des prêtres qui soient
des managers dynamiques, avec pleins d’idées nouvelles pour attirer plein de jeunes.
Mais cette logique-là, c’est celle des pharisiens. C’est la logique de ceux qui pensent
que le Royaume arrivera quand on fera tout mieux que tout le monde.
Mais non, le Royaume viendra de Dieu, pas de nous !
Pour ce qui nous concerne, le Règne ne demande qu’à être accueilli. Notre seul
travail (mais c’est un vrai travail spirituel !) c’est d’accueillir ce Règne de Dieu sur
nos vies et d’en être les témoins.
Jésus n’attend pas que nous bâtissions une Église qui fasse du chiffre, mais que nous
accueillions son Règne sur nos vies, sur nos cœurs, et que nous en témoignions dans
une joie contagieuse. Bâtir le Royaume, c’est l’accueillir. Et dans cet accueil du
Royaume, nous devons effectivement toujours chercher à mieux faire.
Si nous accueillons le Règne de Dieu sur nos vies, alors oui, l’Église fleurira.
Cela nous amène à la vraie question : dans notre communauté paroissiale du Christ-
Sauveur, est-ce que nous voyons le Royaume se construire ou pas ? Qu’en pensez-
vous ? Ce qui est certain c’est que le Royaume est déjà là, dans la mesure avec
laquelle nous laissons Dieu régner sur notre paroisse. Mais est-ce que nous
participons à son avènement, est-ce que ce Règne grandit, ici, à La Rochelle ?
Vous l’avez compris, nous serons des artisans du Royaume si nous sommes capables,
non pas d’inventer plein de choses pour chercher à remplir notre église, mais si nous
sommes capables d’ordonner toutes nos actions au Royaume.
Soyons concrets :
Œuvrer pour le Royaume, c’est par exemple être des priants. Chacun de nous doit
travailler son intimité avec Dieu. C’est nécessaire pour chacun de nous, pour notre
salut personnel, mais c’est nécessaire aussi pour le Royaume.
Œuvrer pour le Royaume, c’est aussi, concrètement, avoir le souci de nos frères.
Depuis des années je vois une dame à la messe dont je ne connais même pas le nom ?
Et bien je vais la voir, je lui demande qui elle est, je prie pour elle, je fais ce que je
peux pour que nous avancions ensemble dans la foi.
Œuvrer pour le Royaume, c’est également rendre visible aux yeux du monde tout ce
qui nous montre ce Royaume. Cela passe par exemple par des églises ouvertes,
belles, propres, fleuries, dans lesquelles on se sent bien pour être entièrement
disponibles à Dieu qui se donne à nous.
Œuvrer pour le Royaume, c’est être missionnaires, c’est-à-dire l’annoncer en nous
libérant de tout type d’entre-soi : « allez, et de toutes les nations faites des disciples ».
Le Royaume, donc l’Église, ne peut pas être un entre-soi.
Si nous œuvrons pour le Règne de Dieu plutôt que de vouloir attirer à nous, je vous
garantis que notre paroisse, dans 5 ans, dans 10 ans, 100 ans, sera un signe lumineux
du Royaume de Dieu… si toutefois Jésus n’est pas déjà revenu d’ici là. Amen
P. Louis Chasseriau