Chers frères et sœurs,
Mardi dernier, le défi spirituel de notre calendrier de l’Avent paroissial était de passer
une journée sans se plaindre… je ne sais pas si vous y êtes parvenu, moi, dès 8h30
je pouvais dire que non… Pourtant tout va bien pour moi ! Mais même quand tout
va bien, c’est comme si on n’arrivait pas à être pleinement joyeux.
Puisque nous célébrons le dimanche de la joie, il faut nous interroger : sommes-nous
joyeux ? Pas seulement enthousiastes à l’approche de Noël ou contents d’être
dimanche, mais joyeux d’une joie profonde ?
Certains diront qu’ils ont de bonnes raisons de ne pas être joyeux. C’est vrai, il faut
parfois traverser des épreuves, comme le prophète Isaïe qui est en esclavage à
Babylone, la Vierge Marie qui vit sous l’occupation, et saint Paul qui est en prison.
Pourtant, dans l’exil Isaïe écrit : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme
exulte en mon Dieu ». Dans l’occupation la Vierge Marie répond : « mon âme exalte
le Seigneur… le puissant fit pour moi des merveilles ». Et en prison Paul écrit :
« Frères, soyez toujours dans la joie ». Entendons bien : tout en étant prisonnier,
ayant été battu, lapidé, flagellé, assoiffé, affamé, Paul nous commande d’être comme
lui, toujours dans la joie.
Quelle est cette folie, ou pire, cette hypocrisie, de se dire dans la joie tout en vivant
l’épreuve ? Ou alors, en partant du principe qu’Isaïe, Marie et Paul sont sincères,
comment est-ce possible d’être à la fois dans l’épreuve et dans la joie, et d’être
vraiment dans les deux à la fois ? Quelle est leur recette miracle pour assumer les
épreuves tout en étant profondément joyeux ?
Je ne sais pas si je vais réussir à vous donner leur recette miracle de la joie, mais vous
pouvez toujours noter que j’y vois au moins 3 ingrédients. Dans les textes
d’aujourd’hui, Isaïe, Marie et Paul ont trois ingrédients identiques dans leur panier.
Pour les quantités, c’est vous qui verrez.
Il y a d’abord l’espérance.
Isaïe, Marie et Paul ont quelque chose qui nous fait souvent défaut : ils espèrent en
Dieu. Ils savent, à la lumière de l’histoire de leur peuple, que Dieu ne les abandonnera
jamais. Il ne s’agit pas d’un pari sur l’avenir ni d’un simple espoir. Ils font confiance
à leur expérience, personnelle et collective. Ils font mémoire. Et cette mémoire leur
enseigne que Dieu est fidèle. Dieu porte secours. Dieu délivre. Nous pouvons bien
être exilés, attaqués, malades, seuls, Dieu n’oublie jamais ceux qu’il aime. Cette
certitude fondée sur la mémoire, c’est l’espérance. Pour avoir la joie, il faut
l’ingrédient espérance.
Un deuxième ingrédient est la foi.
La foi c’est savoir que Dieu est Emmanuel, « Dieu avec nous », et laisser notre vie
en être changée chaque jour. Si je me lève chaque matin en ayant conscience, ou en
retrouvant la conscience dans la prière, que Dieu est vraiment avec moi, alors ma
journée sera toute différente. Je peux bien être isolé, je ne suis pas seul ; je peux bien
être prisonnier, je fais l’expérience d’une profonde liberté ; je peux même être
malade, j’éprouve que l’amour de Dieu est plus puissant que ma chair ; je peux être
mortel, je sais que je suis fait pour le ciel. Pour avoir la joie, il faut l’ingrédient foi.
Enfin, le troisième ingrédient, c’est la charité.
Sans ce troisième ingrédient, l’espérance et la foi risquent de nous enfermer sur nous-
même, dans une relation privée entre moi et mon Dieu à moi, pour moi. La charité,
c’est l’amour gratuit qui décentre de soi. C’est la charité qui nous permet de regarder
vers l’autre, celui qui ne m’apporte rien d’autre que le Christ, et de le regarder à la
manière de Dieu, de voir ce qu’il y a de plus beau en lui. Pour avoir la joie, il faut
l’ingrédient charité.
Frères et sœurs, retenez ça : la joie c’est ce qu’on éprouve quand notre vie est nourrie
à l’espérance, la foi et la charité.
Et ce qu’on éprouve alors est de l’ordre du désir, le grand désir de Dieu. La joie est
un désir. C’est très différent d’un bonheur ou d’un plaisir dont on va se délecter. La
joie n’est pas une possession. C’est un désir qui étreint le cœur et nous pousse vers
Dieu qui est objet de ce désir. Parce que le désir n’est jamais tourné vers soi comme
le plaisir, mais vers son objet. La joie, c’est le désir de Dieu qui prend notre cœur
quand nous vivons la foi, l’espérance et la charité.
Frères et sœurs, il nous appartient de vivre l’espérance, c’est-à-dire de faire mémoire
chaque matin que Dieu n’abandonne pas ceux qu’il aime.
Il nous appartient aussi de nourrir notre foi, cette certitude que Dieu est avec nous.
Il nous appartient de vivre la charité, d’aimer en sortant de soi.
Si nous vivons ainsi, nous trouverons la vraie joie, et peut-être même qu’on arrêtera
de râler…
Amen