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Christ Sauveur

19 mai 2024 Pentecôte

19 mai 2024, Cathédrale Saint-Louis de La Rochelle.

Dans l’Évangile, il est le « Défenseur » et « l’Esprit de Vérité ». Dans la séquence
de Pentecôte chantée avant l’Évangile il est « lumière », « dispensateur des dons »
et « consolateur ». Il est l’eau vive (Jn 4, 10). Il est le vent dont tu ne sais ni d’où il
vient ni où il va (Jn 3, 8). Il est l’Esprit. L’Esprit-saint. Autant d’images pour
suggérer tant bien que mal le mystère de sa personne et de son action.
Aujourd’hui c’est sous forme de « langues qu’on aurait dites de feu » que l’Esprit
se manifeste. Des langues, car il s’agit de parler. Les apôtres reçoivent l’Esprit pour
parler, pour prêcher l’Évangile. Et ils le font avec cette assurance qui est un fruit de
l’Esprit.
Or, nous aussi, frères et sœurs, nous avons reçu et ne cessons de recevoir l’Esprit
Saint. Nous aussi, nous le recevons pour parler, pour prêcher l’Évangile et dire les
merveilles de Dieu. Seulement, mettons-nous en œuvre cette mission et comment ?
Nous avons plusieurs solutions.
La première serait de nous précipiter place de Verdun et sur le port après cette
messe pour haranguer les passants dans toutes les langues.
En freinant un peu notre enthousiasme, nous pourrions aussi nous mettre à nos
claviers mettre en ligne les réponses à toutes les questions des incroyants.
Ou encore, nous pourrions renoncer à la parole et à l’écrit, et nous en tenir au
témoignage de vie, dans l’espoir qu’un jour quelqu’un aura… peut-être… l’idée de
s’interroger sur notre manière de vivre.
Mais saint Thomas d’Aquin explique, dans le traité des sacrements, qu’un acte
symbolique qui ne s’accompagne d’aucune parole reste extrêmement vague et
équivoque. Donc même si nous vivions de manière exemplaire, il nous faudrait, à
un moment, parler et dire pourquoi. Frères et sœurs, nous n’avons pas le choix,
l’Esprit nous appelle à prendre la parole, à prêcher l’Évangile.
Prêcher dans cette cathédrale n’a rien d’héroïque. Mais annoncer les merveilles de
Dieu dans son milieu professionnel ou même dans sa propre famille est une tout
autre paire de manches. Notre parole se heurte souvent à un mur d’indifférence – «

Nous t’entendrons là-dessus une autre fois » (Ac 17, 32), disent les Athéniens à
Paul –, ou bien suscite un scepticisme amusé – « Ils sont pleins de vin doux » (Ac
2, 13). Parfois même, elle provoque une franche hostilité.
Et la situation s’aggrave. L’individualisme forcené qui est aujourd’hui à peu près
notre seul dénominateur commun fait que toute annonce de l’Évangile est ressentie
comme une forme intolérable de prosélytisme. Et nous avons, nous, chrétiens,
largement intériorisé cet interdit.
Autrefois, la vérité était un bien commun, objectif, universel, à chercher ensemble,
serait-ce dans le débat contradictoire, et à partager sans modération. Aujourd’hui,
elle est l’expression de la subjectivité de chacun. A chacun sa vision du monde, à
chacun sa vérité. Et nous sommes mis en demeure de « respecter » cette vérité,
parce qu’oser porter sur elle un jugement est perçu comme une agression
personnelle.
Résultat : tout débat d’idées se réduit à un rapport de forces. Le dialogue devient
impossible. Et la prédication de l’Évangile est soupçonnée de n’être qu’une ruse de
notre volonté de puissance.
Pourtant, ça ne devrait pas être le cas, car les langues qui descendent sur les apôtres
sont des langues de feu. Le feu de la charité que le Christ est venu jeter sur la terre
(Lc 12, 49). C’est la charité qui inspire la prédication, pas le prosélytisme.
Toute prédication découle de l’union au Christ. Pour prêcher en vérité, je dois être
uni au Christ, communier à sa volonté, faire miennes les intentions qui étaient les
siennes lorsqu’il parcourait la Galilée pour annoncer le Royaume de Dieu.
Je ne dis pas qu’il faut être un saint pour commencer à prêcher. Nos églises seraient
bien silencieuses ! Non, je dis que le témoignage que nous rendons à l’Évangile
doit toujours mieux se conformer, dans son contenu comme dans sa forme, au
mystère de la charité, c’est-à-dire au mystère de l’amour de Dieu et de l’amour du
prochain.
Annoncer l’Évangile, c’est accomplir le désir qu’a Dieu de rejoindre le cœur de
chaque personne pour y faire sa demeure. C’est communier à l’intention du Père
qui veut que tous les hommes – de toute race, langue, peuple et nation (Ap 5, 9) –
soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2, 4).

Annoncer l’Évangile, c’est aussi un acte de charité dans l’amour du prochain.
Prêcher l’Évangile c’est aimer l’autre car nous savons qu’il n’y a pas de plus grand
bonheur pour la personne humaine que d’être à Dieu.
Frères et sœurs, l’Esprit fait de nous des prêcheurs de l’Évangile. Il nous donne à
tous d’annoncer avec assurance, comme Pierre en ce matin de Pentecôte : « Ce
Jésus, Dieu l’a fait Seigneur et Christ » (Ac 2, 36). « Sous le ciel, aucun autre nom
n’est donné aux hommes qui puisse nous sauver. » (Ac 4, 12). Amen.
P. Louis Chasseriau

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