Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit.
J’imagine que c’est le b.a. ba que vous avez appris à vos enfants. C’est ainsi que
commence et que termine toute messe. Nous prions systématiquement en marquant
notre corps de la croix. C’est même ainsi que débute toute vie chrétienne.
« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit », demande Jésus.
Avez-vous remarqué que c’est un peu bizarre comme formule ?
« Au nom de ». D’habitude, « au nom de » signifie qu’on fait quelque chose pour le
compte de quelqu’un ou en vertu de quelque chose (au nom de la loi je vous arrête).
Mais quand on fait le signe de croix, on voit bien que ce n’est pas le même sens.
Effectivement, dans l’Écriture, le nom a un sens particulier. Il équivaut à toute la
personne, à la réalité de celui dont on parle. Quand je trace le signe de la croix, je
trace la réalité de Dieu sur mon corps, la réalité de Dieu qui est Père, Fils et Esprit.
Il y a en Dieu de la paternité et de la filiation, une verticalité qui me fait fils du Père
par le Fils. Et ce signe de croix dit aussi la communion par l’horizontalité : il y a de
la communion en Dieu, de la relation dans laquelle je suis introduit.
Il n’y a qu’un Dieu, une seule nature divine. Mais Dieu est relation, parce qu’il
n’est pas nombriliste. Il est amour filial, l’amour d’un père aime son enfant, et en
même temps l’amour d’un fils qui aime son père en se recevant de lui. Il est aussi
un amour plus large, un amour de communion qui rassemble, qui accomplit.
Frères et sœurs, la trinité, ce n’est pas de la théologie réservée aux intellos de la foi.
C’est encore moins de la théorie. C’est l’identité de Dieu dont nous sommes
l’image. Quand on parle de la trinité, on parle de Dieu et on parle de nous. Nous
sommes images d’un Dieu relation.
On n’imagine sans doute même pas à quel point la trinité change tout dans notre
manière de comprendre l’homme, de comprendre la personne, la manière d’être en
relation.
Il y a une autre chose que ça change et qui apparaît dans les lectures de ce
dimanche : c’est notre rapport au temps.
Dans la première lecture, Moïse rappelle aux hébreux tout ce que Dieu a fait pour
eux. Et la première et la plus grande chose que Dieu a faite est la Création. Dieu est
créateur. C’est lui qui est à l’origine de tout.
Dans la deuxième lecture, saint Paul évoque aux Romains l’incarnation. Dieu s’est
fait homme, il a assumé l’histoire pour nous en sauver.
Enfin, dans l’Évangile, Jésus nous redit qu’il est avec nous jusqu’à la fin du monde,
jusqu’à son retour.
Autrement dit, Dieu trinitaire visite son peuple par trois fois et de trois manières :
– Dieu-créateur, un Père qui depuis les origines fait advenir toute chose,
– Dieu-sauveur, qui par la croix et la résurrection du Fils nous ouvre à sa vie,
– Dieu-vainqueur du mal qui accomplira toute chose dans l’Esprit.
Dieu créateur, sauveur et vainqueur. Trois visites de Dieu qui sont une réalité de
chaque instant. C’est à chaque instant que Dieu est créateur, sauveur et vainqueur,
qu’il créé, qu’il donne sa vie et qu’il nous oriente vers sa fin.
Parce que Dieu est Père créateur, Fils sauveur et Esprit vainqueur, alors le temps
n’est plus seulement une chronologie humaine avec un début, un présent et une fin.
L’histoire devient l’histoire du Salut, l’histoire de Dieu qui, à chaque instant est à la
fois créateur, sauveur et vainqueur.
La trinité induit un autre rapport au temps qui n’est plus une mesure terrifiante qui
nous mène au néant mais un moyen d’accomplissement de ce que nous sommes,
avec Dieu auprès de nous. En fait, Dieu habite le temps bien plus que l’espace.
Et chaque instant du temps abrite la totalité de l’histoire du Salut, de la Création au
Royaume. Le temps se fait dense.
Concrètement, parce que Dieu est trinitaire, le temps de la semaine qui s’ouvre
pour chacun de nous est changé. Si nous fêtons vraiment la trinité ce dimanche,
notre semaine pourrait en être vraiment changée par cette nouvelle manière de
vivre le temps. Au cours de la semaine qui vient, nous pourrons commencer par
penser le passé différemment.
D’abord, nous pourrons regarder notre passé comme fondamentalement bon, parce
qu’il a été créé et voulu par Dieu.
Nous pourrons aussi penser chaque seconde comme un présent de grâce, parce que
Dieu vient habiter notre humanité à chaque instant. Chaque moment du présent est
comme Noël. Dieu se trouve dans le présent. Quand je pense au moment présent, je
sais que Dieu l’habite avec moi.
Et nous pourrons regarder l’avenir avec une grande confiance, un avenir
définitivement ouvert malgré notre incapacité à voir la victoire déjà acquise de
Dieu sur tout mal.
N’en déplaise à tous ceux qui courent le triathlon de Châtelaillon ce matin, notre
temps n’est plus simplement chronos, mais kairos, c’est à dire temps favorable. La
semaine qui s’ouvre n’est pas une semaine de plus à cocher sur le calendrier. Cette
semaine est un temps favorable, parce qu’elle est un temps habité par Dieu, qui
vient de Dieu et qui va vers lui.
Frères et sœurs, que Dieu soit trinitaire change jusqu’à notre manière d’habiter le
temps. Laissons ce mystère trinitaire habiter notre prière et toute notre vie.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Amen
P. Louis Chasseriau