8 septembre 2024, Cathédrale Saint-Louis de La Rochelle
Nous célébrons notre messe de rentrée, et franchement, nous pouvons être satisfaits.
Notre cathédrale est pleine, nous avons de beaux projets, vous êtes une belle
communauté chrétienne, l’équipe des prêtres et des diacres n’est pas mal non plus.
Franchement, ce soir, je m’endormirais content de nous !
Ça fait du bien de se dire ça, vous ne trouvez pas ? Le problème, c’est que les lectures
nous rappellent que cet état d’esprit n’est sûrement pas le bon. Bien sûr il faut être
heureux de tout ça. Mais heureux pour quoi ? Heureux parce que nous sommes fiers
de nous-mêmes ? Ou heureux parce que ce que nous vivons est le signe que le Christ
est vraiment vivant et qu’il nous apporte le salut ?
Parce que l’unique objectif de tout ce que nous faisons ensemble, ce n’est
évidemment pas nous-même, ce n’est pas notre satisfaction. C’est le salut. Nous
n’avons qu’un seul horizon : le Royaume.
Nous ne travaillons pour que l’Église soit comme une association proposant plein
d’activités. Vous ne vous engagez pas parce que l’Église serait un mouvement où on
peut faire du bénévolat. Les prêtres ne demandent pas l’ordination parce que l’Église
offrirait un métier, ou pire, un statut social.
L’Église est le corps du Christ qui nous mène au Père et qui nous donne à voir et à
vivre la vérité de notre vie. Et nous sommes là pour servir ce corps. Servir ce corps,
ce n’est pas faire du bénévolat, c’est servir ce qui mérite d’être servi.
Vous me pardonnerez ma comparaison un peu triviale mais, quand je vais manger
chez mes parents et que je débarrasse la table, ça ne me viendrait pas à l’idée de dire
que je fais du bénévolat ! Je rends un service qui doit être rendu. Point.
Et bien ici c’est le même chose. L’Église n’est pas une association à laquelle j’adhère
mais un corps auquel j’appartiens en vue du salut. Alors c’est comme en famille. En
Église, je rends des services qui doivent être rendus. Point.
Et quand je vois la manière dont tant d’entre vous s’engagent dans notre
communauté, je vois très bien que l’Église n’est pas un passe-temps pour vous. Je
vois bien que vous parvenez à vivre quelque chose de ce que Dieu nous rappelle
aujourd’hui dans l’Écriture.
Que nous dit-il par la bouche d’Isaïe ? « Il vient lui-même et va vous sauver, alors
s’ouvriront les oreilles des sourds, alors la bouche du muet criera de joie. »
Ce salut qu’annonçait le prophète Isaïe 600 ans avant Jésus Christ se réalise dans
l’Évangile. Jésus est le Messie que le peuple attendait. Dieu vient sauver son peuple.
Les récits des miracles de guérison sont là pour nous montrer et nous prouver qu’en
Jésus Christ, le salut est bien là et qu’il est accompli en sa personne.
Si nous sommes ici ce matin, c’est que nous y croyons. Nous croyons vraiment que
Jésus a guéri ces aveugles, ces sourds, ces muets. Nous croyons pour autant que Jésus
n’est pas venu pour guérir nos handicaps, nos maladies. Nous croyons que ces
miracles ne sont pas des fins mais des signes de quelque chose d’encore plus grand :
le salut, le Royaume, la vie éternelle.
D’ailleurs, les miracles que Jésus opère dans cet Évangile sont particulièrement
intéressants, parce que, je ne sais pas si vous l’avez noté, mais deux détails clochent.
Le premier c’est que la réalisation du salut ne se passe pas en Terre Sainte mais dans
la Décapole, au-delà du Jourdain. Le salut s’accomplit, mais pas au bon endroit et
pas pour les bonnes personnes
Je crois que ça nous dit qu’on ne peut pas enfermer le salut. Le salut n’est pas à nous.
Nous n’en sommes pas les détenteurs. L’Église n’est pas à nous. Nous n’en sommes
pas les propriétaires. Ici, dans cette cathédrale, nous ne sommes pas chez nous, nous
sommes chez tout le monde. Ici, le Christ accueille tout le monde, même ceux que
nous n’y accueillerions pas instinctivement. L’Église, cette église, est la maison de
l’humanité entière.
Ça, ça doit nous guider cette année. Quand j’assure l’accueil de la paroisse ou quand
je prépare des personnes à des sacrements, et quand tous ces gens ne rentrent pas
bien dans les cases, est-ce que j’arrive quand même à les accueillir comme le Christ
lui-même les accueille ? Mieux, est-ce que je parviens à les accueillir comme
j’accueillerais le Christ lui-même ?
Le deuxième détail troublant dans l’Évangile, c’est cet ordre de Jésus de ne rien dire.
En fait, Jésus ne veut pas qu’on le prenne pour un guérisseur. Il n’est pas rebouteux,
il est le Messie ! Et quand on parle du salut, on parle d’une réalité qui va bien au-
delà de la guérison de nos corps.
Le Messie de vient pas pour la santé du corps, mais pour la vie éternelle de l’âme et
du cœur de l’homme.
Frères et sœurs, en cette année pastorale qui s’ouvre, que nous ne soyons guidés que
par le Salut, et surtout pas par notre satisfaction. Que nous puissions désirer être des
serviteurs et d’humbles signes du Christ qui vient pour sauver les hommes, tous les
hommes. Amen.
P. Louis Chasseriau