4 et 5 juin 2022, Églises du Sacré-Cœur et Sainte-Jeanne-d’Arc, La Rochelle
Chers frères et sœurs,
Est-ce que vous connaissez la Pastorale des Santons de Provence ?
C’est un récit de la Nativité qui est raconté par des santons à la sauce provençale,
avec l’accent et les cigales. C’est assez savoureux à écouter.
Et en attendant la naissance, dans l’étable, l’âne et le bœuf, pour se rendre utiles,
proposent de réciter des prières. Et saint Joseph leur répond : « Mais écouter-les ces
fadas, les prières elles ne sont pas encore inventées, c’est justement pour ça que le
petit, il doit venir sur la terre ».
Et bien aujourd’hui on aurait envie de répondre la même chose à saint Luc qui nous
dit qu’on est à la Pentecôte avant même que l’Esprit soit envoyé ! Il écrit :
« Quand arriva le jour de Pentecôte (…), ils se trouvaient réunis tous ensemble ».
Mais la Pentecôte elle n’a pas encore été inventée, c’est justement pour ça que le bon
Dieu doit envoyer l’Esprit Saint sur la terre !
On aurait envie de lui dire ça à saint Luc… mais en fait on aurait tort ! Parce qu’on
n’a pas attendu l’Esprit Saint pour inventer la Pentecôte !
La Pentecôte, c’est d’abord une fête juive : c’est Shavouot, 50 jours après la Pâque.
Les juifs fêtent le don de la Loi à Moïse, sur le Mont Sinaï. Et pour cette fête, comme
pour la Pâque, tous les juifs montaient à Jérusalem. Ils venaient de partout : de la
Phrygie, de la Pamphilie, d’Égypte, de Mésopotamie…
Or cette année-là, la Pentecôte s’annonçait particulière à Jérusalem ! C’était celle qui
suivait la mort de Jésus. Jésus est mort, ressuscité et il est apparu aux disciples à
plusieurs reprises avant de rejoindre le Père en leur promettant le don de l’Esprit. Les
disciples attendaient la réalisation de cette dernière promesse.
Et là, au même endroit, 50 jours plus tard, tout le peuple juif allait se réunir.
Franchement, ça ferait une super Bande Annonce !
Tout le monde allait venir pour renouveler le don de l’Alliance, comme chaque
année, mais rien, pour la foule, ne présageait de ce qui allait se passer…
Un violent coup de vent et du feu… ça ne vous rappelle rien ? On a déjà vu ça dans
un épisode précédent. Ce sont précisément des éléments de l’épisode du Sinaï,
pendant l’Exode. C’est ce qui s’est passé lors du don de la loi, que les juifs viennent
commémorer à Jérusalem en cette Pentecôte. Le livre de l’Exode raconte les éclairs
et la tempête, le vent et le feu dans lequel le Seigneur descend.
Ça veut donc dire que ce qui se joue à Jérusalem à la Pentecôte, est lié à ce qui s’est
joué au jour de l’Alliance, au jour du don de la Loi sur le Mont Sinaï.
Au Sinaï, Dieu avait donné la Loi. La Loi, c’était la garantie de la liberté donnée à
un peuple qui avait été réduit à l’esclavage. Seuls les peuples libres ont une loi. Les
esclaves n’ont pas besoin de loi. Ce peuple qui avait été réduit à l’esclavage gagnait
sa liberté par le don de la Loi que Dieu leur faisait. Dieu leur apprenait ainsi à vivre
avec lui, dans l’Alliance. L’Alliance, inscrite dans la loi, offrait la liberté au peuple.
À la Pentecôte, cette loi qui était gravée sur des tables de pierre est gravée sur des
tables de chair, dans le cœur de l’homme, pour une liberté nouvelle, pour une
Alliance nouvelle et définitive, une alliance maximum. Dieu ne donne plus
seulement une Loi pour faire alliance, il se donne lui-même pour nous unir à lui, non
plus comme peuple, mais chacun, personnellement. Nous sommes alors, chacun de
nous, parfaitement libres, parce que nous sommes unis à notre Créateur.
Par le don de l’Esprit fait à chacun, Dieu fait de chacun de nous des fils et des filles.
C’est le don de l’Esprit saint qui fait de nous des fils et des filles de Dieu. C’est ce
qui se joue au baptême et à la confirmation. Vous avez entendu comment Paul
l’explique aux Romains.
Jusque-là, que s’était-il passé ? Le Christ, Fils de Dieu, avait dit : « je ne vous appelle
plus serviteur (…) je vous appelle mais amis » (Jn 15,15). Nous étions amis du Fils.
Dieu avait pris avec lui notre nature humaine, par amour, la nature humaine avait
accueilli la divinité. Mais par le don de l’Esprit, on va au-delà. Chacun de nous peut
recevoir Dieu en lui et devenir participant de la nature divine. Autrement dit, en
recevant l’Esprit Saint, notre vie humaine se transforme en une humanité qui
participe à la nature divine.
Alors nous pouvons appeler Dieu : « Père ».
Frères et Sœurs, vous voyez, l’Esprit Saint est au cœur de notre vie. Sans l’Esprit, le
christianisme ne serait qu’un épisode de l’histoire de l’humanité dont nous ferions
mémoire. Mais en fait, ça sonnerait creux, il serait mort.
C’est la grande différence entre les ceux qui convoque le christianisme comme un
patrimoine, comme une somme de valeurs, et ceux qui sont chrétiens parce qu’ils
vivent de l’Esprit Saint. D’un côté il y a quelque chose d’inerte, pour ne pas dire de
mort, et de l’autre il y a la vie.
Par exemple, trois valeurs qui sont profondément chrétiennes, et qu’on peut vivre
soit comme des valeurs, soit comme des dons de l’Esprit : la liberté, l’égalité et la
fraternité.
La liberté : sans l’Esprit, pas de participation à la vie de Dieu qui seul, nous libère de
toute contingence. Vous pouvez être libre en droit, ça ne vous donnera jamais la
liberté de celui qui est aimé par son Créateur.
L’égalité : par l’Esprit, tous entendent dire les merveilles de Dieu. Jésus dit que c’est
l’Esprit qui nous donnera, à tous, de connaître Dieu, de nous souvenir de lui. Vous
pouvez bien être égaux en droit, ça ne vous assurera jamais une égale dignité.
La fraternité : sans l’Esprit, pas de fraternité. Nous ne sommes pas frères si nous
n’avons pas un même père, si nous ne sommes pas des fils. Si nous voulons qu’elle
ne soit pas qu’une sorte d’auto-persuasion, cette fraternité doit venir de l’Esprit qui
fait de nous des fils et des filles.
Vous voyez, si nous nous coupons de l’Esprit, tout ce qui nous humanise risque fort
de devenir une coquille vide.
Vivons avec l’Esprit, chaque instant, car c’est lui qui fait de nous des vivants.
Vivons avec le Père qui a créé, avec le Fils qui a révélé, et avec l’Esprit qui nous
donne la vie.
Amen.
Père Louis Chasseriau