Chers frères et sœurs,
Dans les lectures d’aujourd’hui, il est affaire de péché et de pardon. En fait, c’est
l’histoire du « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui
nous ont offensé ». Et ça, c’est une histoire qui remonte très loin… je vous propose
un petit voyage dans le temps.
Nous pouvons commencer aux débuts de l’humanité. Déjà l’homme se détourne de
Dieu. À ce moment-là, il est question de chute mais pas encore de péché.
Puis vient la 2e génération, avec Caïn et Abel. C’est là nous trouvons le premier acte
qualifié de « péché » dans la Bible : c’est le meurtre d’Abel par Caïn, c’est le meurtre
du frère. Le premier péché dans la Bible c’est le meurtre du frère ; on comprend que
le premier commandement sera l’amour du frère.
Caïn est plein de jalousie et il pense à tuer son frère. Alors Dieu met Caïn en garde :
« le péché est (…) à l’affût, mais tu dois le dominer ». « Tu dois dominer le péché »,
dit Dieu, mais Caïn ne parvient pas à dominer sa jalousie et il tue son frère.
Face à ce premier péché, que fait Dieu ? Vous souvenez-vous de ça ?
Dieu ne punit pas Caïn. La terre qui a reçu le sang de son frère ne pourra plus donner
de fruit, mais la punition ne vient pas de Dieu. Caïn est puni de fait. Il ne reçoit que
les conséquences de son acte. Il s’est puni lui-même, ce n’est pas la même chose !
Vous voyez bien la différence : si un enfant à la plage fait l’idiot et laisse tomber sa
chocolatine dans le sable, la conséquence de son acte c’est qu’il n’aura pas de goûter.
Mais ce n’est pas son père qui l’a puni et privé de chocolatine.
Avec Caïn c’est pareil, Dieu ne punit pas. Caïn doit seulement assumer les
conséquences de son acte. La terre ne pourra plus donner de fruit.
Dieu va même plus loin : non seulement il ne punit pas, mais il prévient que si
quelqu’un veut punir Caïn en le tuant à son tour, Dieu vengera Caïn « sept fois ».
D’où la question de Pierre à Jésus : « faut-il pardonner sept fois ? ».
Dieu ne veut pas la vengeance, il en protège même le coupable.
Continuons le voyage dans le temps, avec la 1ère lecture et le grand sage Ben Sira :
« celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ». Ben Sira reprend la
logique de Dieu dans la Genèse : Dieu ne veut pas la vengeance, il en protège même
le coupable. Mais Ben Sira, lui, ajoute un pas de plus : si tu pardonnes, alors Dieu te
pardonneras à son tour pour tes propres fautes. « Pardonne-nous nos offenses comme
nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé ».
Vous voyez comme dans l’Ancien Testament, le pardon de Dieu est déjà compris :
si je pardonne, je serai pardonné.
Et notre voyage dans le temps nous amène évidemment jusqu’à Jésus, avec le
Nouveau Testament. Alors là on comprend que le pardon de Dieu est infiniment plus
grand encore que ce qu’on avait imaginé.
Ce dialogue entre Pierre et Jésus est saisissant parce que Jésus va encore plus loin :
non seulement le coupable n’aura pas à subir de vengeance, non seulement il sera
pardonné, mais il le sera gratuitement, sans condition, sans aucune exigence, sans
mérite de sa part. Le seul mérite au pardon de Dieu c’est Jésus qui l’amènera : ce
sera la croix, le don qu’il fera de sa vie.
Désormais, frères et sœurs, si j’ai conscience d’avoir péché et que je viens auprès de
Dieu demander sa miséricorde, elle m’est donnée, sans autre condition que ma
sincérité, que ma conscience, ma contrition, parce Jésus a donné sa vie pour moi.
Vous voyez comment l’homme a pris conscience progressivement de l’immensité de
la miséricorde de Dieu, avec la croix comme sommet de la Révélation ?
Pourtant, frères et sœurs, il nous reste une difficulté à résoudre, un point difficile que
Jésus annonce dans l’Évangile… C’est que le péché ne reste pas sans conséquence.
La miséricorde de Dieu est infinie, certes, mais il y a une vertu qu’elle n’a pas : elle
n’efface pas les conséquences du péché. Elle n’empêche pas les blessures que cause
le péché, tant pour la victime que pour le coupable. Quand nous blessons quelqu’un,
même avec un vrai pardon de Dieu et un pardon mutuel, la blessure peut continuer à
être douloureuse, pour le blessé comme pour le blessant.
Ce que nous dit Jésus, c’est que les actes que nous posons ont des conséquences, tant
pour aujourd’hui que la vie éternelle. Attention, rappelez-vous l’histoire de la
chocolatine dans le sable. Nos actes d’aujourd’hui auront des conséquences dans la
vie éternelle non pas en termes de punition de Dieu, mais parce que nous sommes
responsables de nos actes.
Frères et sœurs, oui, la miséricorde de Dieu est infinie. Elle est même sans condition.
Mais cela n’empêche pas les conséquences de nos actes parce que nous sommes des
êtres libres. Libres et aimés. Alors accueillons librement la miséricorde de Dieu, sa
vie qu’il nous donne dans l’Eucharistie, c’est le plus beau cadeau qu’il nous fait.
Amen
Père Louis Chasseriau