Frères et Sœurs, cher Constantin,
En ce troisième dimanche du temps de l’Avent, dimanche de Gaudete, nous sommes invités à la joie et
l’évangile nous présente Jean-Baptiste, belle figure de prophète, de serviteur qui nous invite à annoncer
l’évangile, à servir notre prochain, à être des hommes justes dans nos relations. Constantin, Jeune
professionnel de notre diocèse, que j’enverrai en mission à la fin de cette messe, partira dans quelques
jours à Taïwan pour servir les personnes handicapées, les enfants de la rue, dans la ville de Yuli, sur la
côte est de l’île que les Portugais baptisèrent « Formosa », la belle. Il accomplira sa mission en qualité de
Volontaire des Missions Etrangères de Paris. La joie de ce temps de l’Avent, c’est celle de l’attente
joyeuse de la venue du messie. Nous le chantons « Venez divin messie », mais cette attente n’est pas une
attente passive, cette joie n’est pas une joie béate, c’est la joie du serviteur du Seigneur, c’est la joie
du partage, c’est la joie de l’évangile !
En comparaison avec les réformateurs d’aujourd’hui, Jean Baptiste fait preuve d’une retenue qui peut
surprendre nos contemporains. Il annonce la venue imminente du Messie. Nous, nous attendons son retour.
Or, comment le Messie pourra-t-il tolérer aujourd’hui le désordre établi ? Comment la paix de Dieu pourra-
t-elle régner à Jérusalem et dans les territoires occupés si les armes ont le dernier mot ? Comment
l’Emmanuel pourra-t-il s’accommoder de prétendus projets qui donnent à ce que l’Eglise appelle crime, le
nom de droit individuel ? Préparer les chemins du Seigneur au temps de Jean Baptiste, construire le
Royaume de Dieu aujourd’hui, n’est-ce pas lutter contre les trafics d’armes et toutes les spéculations ?
N’est-ce pas refuser les discours démagogiques, les promesses irréalisables ? Pour les contemporains du
Baptiste comme pour nous, la venue des derniers temps, n’exige-t-elle pas de grands bouleversements ?
Permettez-moi d’actualiser parce que Noël n’est pas pour nous une fête tournée vers le passé. Les
chrétiens ne marchent pas à reculons. Les chrétiens ne sont pas des animistes habitués à des rites
cycliques ; notre Dieu n’est pas un magicien. Pour nous, l’histoire n’est pas circulaire, elle est linéaire et
irréversible. Elle a commencé et elle finira ! Nous rappelons la venue du messie parce que nous attendons
son retour définitif. Le passé est avant tout un élan vers l’avenir car l’incarnation du verbe en Jésus de
Nazareth est l’événement majeur du cosmos. L’histoire aura une fin, un accomplissement et, de même
que Jean- Baptiste préparait les chemins du messie, nous travaillons, nous, au royaume de Dieu. Nous
attendons la parousie, la manifestation triomphale du Ressuscité. Nous croyons qu’il achèvera et
récapitulera en lui tout l’univers.
Dans cette perspective, découvrir que Jean-Baptiste est un homme mesuré, nous fait prendre conscience,
qu’il y a dans la foi chrétienne un équilibre et une retenue, une limite et un respect profond de l’autre.
Le discours de Jean-Baptiste est donc modéré, c’;est un discours social, vous l’avez remarqué ! Certes, Jean
Baptiste est fils de Zacharie, prêtre de Jérusalem, mais il ne parle jamais du temple, il ne s’intéresse pas
aux sacrifices sanglants. Je résume son programme : partagez et ne faites pas d’excès. «Celui qui a deux
vêtements, qu’;il partage avec celui qui n’en a pas; celui qui a de quoi manger, qu’;il fasse de même !»
Donc, partagez les biens les plus élémentaires : vivres et vêtements. Aux collecteurs d’impôts, il demande
de se satisfaire de la marge fixée ; aux soldats, de se contenter de leur solde. C’est tout. J’en connais
beaucoup qui auraient dit aux militaires : changez de métier, et aux collecteurs d’impôts : entrez en
dissidence, cessez de collaborer avec l’occupant romain ! Jean-Baptiste est celui qui sait accepter l’autre
tel qu’il est. Il respecte chacun dans son devoir d’état.
A l’opposé du fanatique qui détruit l’autre ou cherche à le conditionner, Jean Baptiste reçoit l’autre, tel
qu’il est. Il a compris qu’il faut lui laisser de la place : préparer les chemins du Seigneur, c’est limiter son
propre champ d’action pour que qu’il puisse se manifester. «Il faut qu’il grandisse et que je diminue». Il
s’efface, comme devant une porte, on s’efface pour introduire quelqu’un. Jean Baptiste est le modèle de
l’humilité et de la discrétion. Il ne se prend pas pour le messie, pas non plus pour son maître ou son
initiateur (Jn 3, 27-30). Il ne prétend pas accélérer sa venue par sa prédication. Il sait que le don de Dieu
est à accueillir, qu’il n’est pas le fruit du travail de l’homme.Jean-Baptiste est la voix qui indique le
verbe. Il est la lampe qui annonce le soleil levant. Il est l'ami qui introduit l’époux. Il ne se confond jamais
avec celui qu’il annonce et qu’il attend.
Jean Baptiste est celui qui accepte pleinement la condition humaine. Il vit simplement dans le désert, sa
vie proche de la nature. Avec sa peau de chameau, son miel sauvage et ses criquets, il est une sorte
d'Adam primitif, un grand innocent. Comme Moïse, il conduit le peuple au désert. Comme Josué, il lui fait
franchir le jourdain pour entrer dans la terre promise, près de Jéricho. Il reprend les symboles historiques
de l'exode et de la pâque pour conduire le peuple à une démarche de conversion. Jean Baptiste a deux
intuitions, étroitement liées : le Christ ne vient pas au terme de ses efforts et la réconciliation avec Dieu
est un don gratuit. A l’opposé de ce qu’imaginent les pharisiens, le salut n’est pas le trophée des
champions de la loi, mais un pur cadeau, offert aux grands pécheurs quand ils reviennent
humblement vers Dieu.
Accueillons Dieu qui se fait homme ! Comme Jean Baptiste, laissons de la place à l’autre, partageons ce
que nous avons et transformons nos relations humaines en relations d’amour, c’est ainsi que nous serons
prophètes.
Cher Constantin, voilà la feuille de route que t’offre l’Eglise aujourd’hui! Sois prophète à la manière de
Jean-Baptiste, sois un homme de ton temps et de ton nouveau pays, Taïwan, sois le en Baptisé ! Si tu ne
devais retenir qu’une seule phrase de évangile de ce jour, ne retiens que la dernière : annonce au peuple,
la Bonne nouvelle ! Bonne mission !
+ Georges Colomb