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Christ Sauveur

Saint Sacrement

2 juin 2024, Cathédrale Saint-Louis

Mardi dernier, j’étais avec les enfants du catéchisme et ils étaient intrigués par le
fait que Jésus nous ait demandé de manger son corps et son sang. Pourquoi doit-on
manger Jésus ? Pourquoi Jésus nous a-t-il donné son corps à manger et son sang à
boire ?
La question est pertinente et les lectures d’aujourd’hui confirment que la réponse
n’est pas évidente. Il y est beaucoup question de sang.
Le sang du sacrifice d’abord, dans la 1e lecture.
Moïse prend du sang de taureau et en asperge l’autel et le peuple. Admettez
qu’avec l’aspersion d’eau bénite, vous y avez gagné.
Moïse a vécu il y a plus de trois mille ans. Les coutumes de l’époque ne sont plus
les nôtres, mais on peut tout de même en comprendre la signification.
Ce texte décrit une cérémonie d’alliance entre deux peuples ennemis. C’est un rite
habituel mais avec lequel Moïse fait du neuf.
Ce qui est habituel à l’époque, c’est l’aspersion de sang pour une cérémonie
d’alliance. La nouveauté qu’apporte Moïse, c’est qu’il utilise ce rite non pas pour
l’alliance de deux peuples ennemis, mais pour l’alliance entre Dieu et le plus petit
des peuples, entre Dieu qui donne une loi pour garantir la liberté, et le peuple qui
s’engage à respecter cette loi pour vivre en peuple libre.
Autre nouveauté : le sang n’est plus seulement celui d’un taureau. Moïse dit qu’il
est le sang de l’Alliance. Et là on commence à répondre à la question que me
posaient les enfants. Le sang c’est la vie. Donc Moïse signifie par le sang que
l’alliance entre Dieu et Israël devient vitale. Le sang devient signe que l’alliance
avec Dieu est une question de vie ou de mort.
En faisant alliance avec Dieu on est vivant, séparé de Dieu, on est mort.
Après Moïse il y a Jésus. Jésus s’inscrit dans l’histoire juive mais il la renouvelle, il
en transforme le sens pour l’offrir à tous les hommes, plus seulement au peuple
hébreu.
Avec Moïse il y avait eu l’alliance entre Dieu et le peuple. Avec Jésus, il y aura une
alliance avec tous les peuples, tous les hommes de tous les temps. Une alliance
nouvelle et éternelle. Pour conclure cette nouvelle alliance, Jésus va utiliser le repas
de la Pâque, le pain et le vin.

D’abord le pain, du pain azyme, sans levain.
Ce pain était celui de la sortie d’Égypte, le pain qui n’avait pas eu le temps de
lever. En une nuit, il avait fallu fuir l’Égypte pour marcher vers la liberté. Ce pain,
c’est le pain de ceux qui sont pressés par la liberté.
Lors de la Cène, Jésus prend ce pain et dit : « Ceci est mon corps ». Celui qui
mangera de ce pain sera libre, non plus seulement d’une liberté politique, mais
d’une liberté existentielle. Manger le pain qui est le corps du Christ c’est être libéré
non plus en sortant d’Égypte, mais en sortant d’une humanité ancienne vouée à la
mort, pour recevoir une humanité nouvelle et éternelle.
C’est pour ça que l’Église n’a jamais voulu abandonner la tradition du pain sans
levain pour l’hostie. C’est le pain de ceux qui sont rendus libres. L’Eucharistie fait
de nous des hommes libres.
Ensuite, il y a le sang.
Pour la Pâque, les prêtres égorgeaient au Temple les agneaux qui étaient ensuite
partagés en famille. Avec Jésus, le sang ne sera pas celui d’un agneau, mais le sang
qui s’apprête à être répandu. Il prend la place de l’agneau, des agneaux des
hommes. Il est l’agneau de Dieu.
Alors il prend le vin et dit « Ceci est mon sang ». Jésus inscrit sa mort imminente
dans la suite du sacrifice d’alliance, dans la suite du sacrifice du temps de Moïse.
C’est très étonnant au fond pour les proches de Jésus.
D’abord, ceux qui le condamnent n’ont pas du tout l’idée de faire de la mort de
Jésus un sacrifice. Quand on faisait un sacrifice, c’était pour plaire à Dieu. Eux, ils
veulent simplement se débrasser d’un fauteur de trouble.
Et les disciples eux-mêmes ne comprennent pas. Normalement seuls les prêtres de
la tribu de Lévi peuvent sacrifier. Jésus n’est pas de cette tribu. Et puis il était
impensable qu’un sacrifice humain puisse plaire à Dieu. Bref, tout ça n’a aucun
sens.
Pourtant, c’est ce que Jésus a décidé de faire : faire de sa mort un sacrifice.
Rappelons-nous bien cela quand nous avons du mal avec l’idée que l’Eucharistie
est un sacrifice. C’est Jésus lui-même qui a choisi de donner un sens sacrificiel à sa
mort. Ce n’est pas l’Église qui l’a inventé.

« Ceci est mon sang, le sang de l’alliance ». Sa condamnation n’aura pas le dernier
mot. Si son sang doit être répandu, ce sera non pas par injustice, mais pour faire
cette alliance nouvelle et éternelle avec tous les hommes.
Ainsi, Dieu nous révèle que le sacrifice qui lui plaît n’est pas de tuer, mais de
donner nos vies, de les remettre entre ses mains : « En tes mains, Seigneur, je
remets mon Esprit », et de le faire librement, pour le bien de tous : « Ma vie, nul ne
la prend, c’est moi qui la donne ».
Alors pourquoi manger Jésus ? Parce qu’en mangeant le pain de la liberté qui est
son corps, et le vin de l’alliance qui est son sang, nous entrons dans l’alliance avec
le seul qui peut nous unir à Dieu éternellement et nous libérer du mal et de la mort.
Aujourd’hui encore, en recevant Jésus dans l’Eucharistie, il nous unira plus
étroitement à Dieu pour la vie éternelle et nous rendra libre.
Sa vie, nul ne la lui prend, c’est lui qui nous la donne. Amen
P. Louis Chasseriau

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