Chers frères et sœurs,
Je ne sais pas si vous êtes plutôt urbains ou ruraux, si vous préférez la ville ou la
campagne. Vu le prix de l’essence, aujourd’hui, il est préférable d’être urbain… Moi,
j’aime bien me reposer à la campagne, mais au quotidien, je préfère l’agitation de la
ville.
Et bien, j’ai manifestement choisi la meilleure part !
Jean nous décrit dans l’Apocalypse le lieu dans lequel nous passerons notre éternité.
Et c’est assez surprenant puisqu’il s’agit d’une ville, la Jérusalem céleste, et pas d’un
nouveau jardin d’Eden. L’éternité, c’est la ville, pas la campagne.
Je ne plaisante qu’à moitié. Derrière cela, il y a une véritable interrogation : la vie
éternelle, n’est-ce pas l’accomplissement du projet initial de Dieu ? Ne devrions-
nous pas retrouver le jardin d’Eden à la résurrection ?
Dieu a créé le monde qui, s’il n’y avait pas eu le péché de l’homme, aurait été un
monde sans le mal, sans la souffrance, sans la mort tels que nous les connaissons. Le
monde que Dieu désirait pour nous était un monde que les auteurs de la Genèse nous
ont décrit comme un jardin idéal.
Mais l’humanité a voulu faire sans Dieu, et le mal, la souffrance et la mort sont entrés
dans le monde. Ils sont entrés dans le monde, nous les subissons toujours, mais Jésus
nous en a délivré. Il nous en a sauvé parce que nous savons d’ores et déjà qu’ils
auront une fin. Ils ont déjà été vaincu par Jésus et n’auront pas le dernier mot. Si nous
suivons le Christ, il nous délivrera de ce mal, de cette souffrance, de cette mort, et
Dieu nous ouvrira les portes d’une vie éternelle qui sera l’accomplissement de sa
Création.
On en revient à la question initiale : pourquoi cet avènement, dans l’Apocalypse, ne
nous est pas décrit comme un retour à l’Eden, à ce temps d’avant le mal, la souffrance
et la mort ? La vie éternelle, n’est-ce pas l’accomplissement du projet initial de
Dieu ? Si c’était vraiment le cas, alors la vision de l’Apocalypse devrait être un
jardin, pas une ville.
La réponse se trouve dans cette Jérusalem céleste. Regardez comment Jean la décrit.
Elle n’est pas le jardin d’Eden mais elle en partage pas mal de traits.
Les deux sont des cadres de vie idylliques, les deux possèdent un arbre au centre (Gn
2,9 et Ap 22,2), les deux sont bien délimités, par les 4 fleuves en Eden et par les 4
remparts à Jérusalem. En Eden, on trouve de l’or et des pierres précieuses (Gn 2,11-
12), tout comme dans la Jérusalem qui est faite d’or et de pierres (Ap 21,18-21). En
Eden, la lumière apparaît avant la création du soleil et de la lune (Gn 1,3-5), les astres
sont secondaires. La Jérusalem céleste n’a pas non plus besoin des astres pour être
éclairée. Sa lumière vient de la gloire de Dieu. Et j’en passe…
La Jérusalem céleste a une vraie ressemblance avec le jardin d’Eden, avec la Création
initiale de Dieu. La vie éternelle ressemblera largement à ce que Dieu voulait pour
nous dès les origines.
Mais cette ville a aussi des différences considérables avec le jardin.
C’est la ville, pas la campagne. Elle est bâtie, avec des murs et des portes aussi
nombreuses que les tribus d’Israël et que les Apôtres. Autrement dit, elle est marquée
par le travail et par l’histoire de l’homme. Les fondations, les remparts, les portes,
leur nombre, sont autant d’empreintes profondes de l’histoire humaine dans l’œuvre
de Dieu.
Frères et sœurs, nous touchons là un point fondamental que l’Apocalypse nous
révèle.
La vie éternelle, ce n’est pas le retour au point de départ. Sinon, quelle considération
Dieu aurait pour notre humanité, pour ce que nous vivons ? Si la fin était le retour au
point de départ, notre vie ne serait qu’un entracte entre deux paradis, ne serait qu’une
récréation tragique.
Mais non ! Notre vie humaine concrète a vocation à entrer dans le projet initial de
Dieu, et c’est là toute la différence entre l’Eden et la Jérusalem céleste. La vie
éternelle, c’est notre vie humaine qui entre dans le projet de Dieu.
Chers amis, il nous faut avoir les idées aussi claires que possibles sur ce sujet, parce
que ça engage notre quotidien. Si nous ne sommes par imprégnés de cette réalité que
tout ce que nous construisons, que les choix que nous posons, ont vocation à entrer
dans l’éternité de Dieu, alors nous nous construisons une humanité à la petite
semaine !
C’est particulièrement important pour vous les plus jeunes, parce que vous avez
encore tout à construire. Parfois on vous dit « Carpe Diem », ou pire encore
« Profite ». Je déteste ça : « Et profite surtout ! ». Mais ça veut dire quoi « profiter » ?
Se gaver tant qu’on peut, de peur de tout perdre après ?
Mais ils n’ont rien compris ceux qui disent ça. La vie, elle tend vers l’éternité, elle
ne s’épuise pas ! La vie, elle ne se consomme pas, elle tend vers son épanouissement.
Plutôt que de dire « Profite ! », on ferait mieux de dire quelque chose du genre
« n’oublie pas de vivre avec Dieu », précisément pour que tout ce que nous vivons
vienne construire notre vie éternelle.
Il s’agit de comprendre que Dieu nous aime vraiment, qu’il aime notre liberté et qu’il
la prend en compte.
Qu’est-ce qui est le plus grand : prendre la vie pour un compte à rebours et se gaver,
ou collaborer avec Celui qui a tout créé pour construire avec lui un truc qui sera beau
pour l’éternité ?
Le choix est vite fait.
Amen
Père Louis Chasseriau