Chers frères et sœurs,
Le célèbre publicitaire, Jacques Ségéla, disait : « Si à 50 ans t’as pas de Rolex, t’as
raté ta vie ». Jésus, lui, dit : « la vie de quelqu’un ne dépend pas de ce qu’il possède ».
Deux logiques totalement opposées. Deux salles, deux ambiances.
Notre vie ne dépend pas de ce que l’on possède. Qohèlet comprend qu’en ce monde,
tout nous file entre les doigts. Nous pouvons bien tenter de serrer les mains le plus
possible pour retenir ce qui nous semble précieux, à la fin, tout filera. C’est comme
si instinctivement, on pensait la vie comme des poignées de sables que l’on tenterait
de retenir, désespérant de voir ce sable s’écouler inexorablement entre nos doigts…
Et oui, on ne retient rien, ni le temps qui passe, ni la vie de nos proches, ni même nos
biens.
La vie au contraire c’est garder les mains ouvertes pour accueillir ce que Dieu veut
bien nous donner et être prêt à lui rendre. Parce que de toute façon, à la fin, il nous
faudra tout rendre, jusqu’à notre propre vie, car tout vient de Dieu, tout est à Dieu et
on n’emporte rien à la tombe.
Alors, cette logique peut sembler désespérante à certains… mais au contraire, je crois
qu’elle est le don d’une liberté totale !
Vraiment, le fait de ne rien pouvoir nous accaparer et de ne rien pouvoir retenir, est
un vrai cadeau que Dieu nous fait. Mais pour le recevoir ainsi, il y a une double
condition.
La première condition, c’est d’assumer que notre vie éternelle a déjà commencé.
Notre vie quotidienne, notre vie d’aujourd’hui, de ce matin, ne doit pas être étrangère
au Royaume.
Être chrétien, ce n’est pas mettre de côté cette vie-ci en attendant la vie éternelle qui
viendra après. Être chrétien, c’est vivre déjà des prémices du Royaume. Vivre déjà
la logique du Royaume.
La deuxième condition pour recevoir cette réalité comme un cadeau de Dieu, c’est
de toujours avoir en tête qu’avec Jésus, la vie et la mort n’ont plus la même
définition. Tout est renversé. Si notre vie éternelle a déjà commencé, alors toute notre
vie terrestre devient relative à l’éternité, au Royaume. C’est dans cette logique que
les textes d’aujourd’hui sont écrits.
Dans ces conditions, ce que dit Dieu a l’homme riche de la parabole, qu’il est fou de
vouloir accumuler dans ces greniers, devient logique, évident ! Il devient
naturellement absurde de dépenser toute son énergie à accumuler, à posséder au-delà
du nécessaire. À quoi cela sert-il de tout donner pour des choses qui non seulement
sont passagères et qui nous détournent de l’horizon essentiel ?
Chers amis, vous voyez maintenant que les lectures de ce jour nous appellent à un
peu de nuance !
Il ne suffit pas de dire que l’argent et les biens n’ont aucune importance. Il s’agit
plutôt d’apprendre à les gérer comme le reste de notre vie, c’est-à-dire en vue du
Royaume.
Ce n’est pas pour rien que l’Église s’est beaucoup interrogée sur notre rapport au
bien et à l’argent. Et ce qu’elle nous dit est claire : la propriété privée est légitime, il
est bon que chacun puisse posséder. C’est même reconnaître à chacun sa dignité de
créature, à qui Dieu confie sa Création. Dieu confie à chacune de ses créatures la
mise en valeur d’une part de cette Création.
Pour autant, la Création est faite pour le bien de tous. On dit que les biens ont une
destination universelle. Posséder ne veut donc pas dire s’accaparer. La propriété
privée de chacun doit être ordonnée au bien de tous, au bien commun.
Concrètement, quand je possède des terres et que je les pollue au détriment de mes
voisins et des générations à venir, ce n’est pas chrétien. Quand quelques hommes
possèdent à eux seuls autant que des millions d’autres, ce n’est pas chrétien, c’est un
détournement de la Création. Quand quelques-uns exploitent d’autres hommes pour
leur seul enrichissement personnel, ce n’est pas chrétien, c’est un détournement de
la dignité humaine.
Mais à l’inverse, vouloir tout rendre collectif et refuser le principe de la propriété,
c’est nier la dignité de chaque individu, sa qualité de créature de Dieu.
Frères et sœurs, Dieu nous veut responsables, participants de sa Création qu’il nous
a confiée. Nous avons à en prendre soin, nous pas pour nous, mais pour tous, pour le
bien commun, le bien des générations à venir.
Ne culpabilisons pas de posséder, mais ordonnons notre possession au bien commun.
Ne cherchons pas à accumuler, déjà parce que le trop plein ne laisse aucune place à
Dieu, et parce que de toute façon, tout cela nous sera repris.
Croyez-moi, si nous parvenons à vivre ainsi notre rapport aux choses, ce sera une
vraie révolution pour notre monde.
Amen