Chers frères et sœurs,
L’homme a marché sur la lune, et nous en avons des images. L’homme a attaqué
Manhattan le 11 septembre 2001, et nous en avons des images. Notre rapport à
l’histoire est profondément modifié avec l’apparition du cinéma. L’histoire, ce n’est
plus seulement une affaire de récit. On a les images !
On aimerait bien avoir un film des Égyptiens construisant les pyramides, pour savoir
comment ils ont fait. On aimerait bien avoir un film du baptême de Clovis, pour voir
quelle conscience ils avaient de l’évènement.
Et puis ce matin de Pâques, la résurrection ! J’aimerais tellement avoir les images
nous montrant Marie-Madeleine, Pierre et Jean qui courent et découvrent le tombeau
vide. Et surtout, voir ce tombeau vide !
Saint Jean nous livre un récit de ce matin-là, c’est déjà pas mal. Mais on aimerait
bien avoir les images.
On aimerait bien mais… en fait, quand on lit le récit de saint Jean, on se dit que s’il
avait tenu la caméra, il n’aurait sans doute pas eu l’oscar du meilleur documentaire…
Vous avez entendu le récit comme moi :
Marie-Madeleine arrive la première. On la voit marcher tôt le matin, il fait encore
sombre. Et là, on voit la pierre qui est roulée. Est-ce que saint Jean montre le tombeau
vide ? Non, Marie-Madeleine fait demi-tour pour prévenir les autres.
Scène suivante, on voit Pierre et Jean courir, Jean est plus jeune, il prend de l’avance.
Il arrive en premier. On voit le tombeau ouvert, de loin, Jean s’approche, et là, gros
plan… sur les linges ! « Les linges sont posés à plat » écrit Jean. Est-ce qu’on voit le
tombeau vide ? Toujours pas.
Jean n’entre pas. Il attend Pierre, le premier des apôtres. Il lui laisse la primeur. Pierre
entre, et là encore, gros plan sur « les linges, posés à plat, ainsi que le suaire (…)
roulé (…) à sa place ».
Puis Jean entre à son tour, et l’image nous montre son visage : « il vit, et il crut ».
Fin.
Fin, et le réalisateur ne nous a pas montré le clou du spectacle. Incroyable,
l’évangéliste parvient à raconter le matin de Pâques sans jamais parler du tombeau
vide ! Il préfère les gros plans sur les bandelettes et le suaire.
En fait, si saint Jean avait été sur la lune avec Armstrong et Aldrin, il aurait filmé
l’empreinte de pas dans le sol, mais pas les gars en train de marcher sur la lune.
C’est étonnant, parce que toute notre foi repose sur le tombeau vide. Pas sur une
affaire de linge ! Le tombeau vide, c’est la condition sine qua non de la résurrection.
Sans tombeau vide, pas de résurrection. Pourquoi saint Jean préfère nous parler du
suaire et des bandelettes plutôt que du tombeau vide ?
Le but du récit de Jean est de répondre à cette question simple : est-ce que Jésus est
vraiment ressuscité ? Est-ce que cet homme qu’on a vu mourir sur la croix et dont le
corps a été déposé dans ce tombeau, en est vraiment ressorti vivant ?
Jean lui, le sait, il en a été témoin. Mais il cherche aussi des pièces à conviction pour
nous convaincre. On veut des preuves ! Or au matin de Pâques, il y en a deux.
D’abord, il y a évidemment le tombeau vide. C’est le signe le plus évident, et nous,
on voudrait bien le voir !
Sauf qu’à l’époque, personne ne met en cause le fait que le tombeau soit vide. C’est
une évidence que tout le monde voit. Personne n’a jamais contesté ça, même ceux
qui contestent la résurrection.
Mais est-ce suffisant pour nous prouver quoi que ce soit ?
En fait, c’est un bon début… mais le souci c’est qu’on peut diverger sur
l’interprétation : le tombeau vide montre soit que Jésus est ressuscité, soit que son
corps a été pris par ses disciples.
Et cette deuxième interprétation a toujours été l’argument de ceux qui contestent la
résurrection. Ils accusent les disciples d’avoir pris le corps.
Du coup, l’évangéliste n’insiste pas sur cet argument du tombeau vide, puisque ce
n’est pas une preuve indiscutable. C’est probablement pour ça qu’il ne filme pas
directement le tombeau vide.
Il préfère insister sur le deuxième signe : les bandelettes et le suaire. Pour lui, ces
linges sont la preuve absolue !
Pour le comprendre, il faut remonter quelques jours auparavant, à Béthanie.
Souvenez-vous, Jean nous y a parlé d’un autre tombeau vide : celui de Lazare, un
ami de Jésus. Lazare est mort et a été mis dans un tombeau. Quatre jours plus tard,
Jésus est venu, a fait ouvrir le tombeau et a demandé à Lazare d’en sortir.
Et qu’écrit Jean ? Il écrit : « Le mort sortit, les pieds et les mains liés par des
bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire ».
Frères et sœurs, voilà la clef. Lazare lui, est revenu de la mort avec les bandelettes et
le suaire. Jésus, lui, à l’inverse, les a laissés sur place.
Ces linges sont la clef du scénario pour deux raisons :
– D’abord, parce que quand on sort un corps d’un tombeau, comme Jésus a sorti
Lazare et comme les disciples auraient pu sortir le corps de Jésus, on prend le
corps tel qu’il est, tout enveloppé. Si les disciples avaient pris le corps de Jésus,
ils l’auraient pris tel quel, ils n’auraient pas pris le temps d’en enlever les
bandelettes et le suaire, de bien les rouler et de les laisser sur place ! Ça n’aurait
eu aucun sens.
– Ensuite, les bandelettes et le suaire sont les signes de la mort. Avec Lazare, la
mort sort provisoirement du tombeau, mais pour y retourner un jour. Lazare
finira par mourir à nouveau, et retrouvera son tombeau.
Avec Jésus, c’est totalement différent ! La mort reste définitivement dans le
tombeau, avec les bandelettes et le suaire qui en sont le signe.
Frères et sœurs, au matin de Pâques, ce n’est pas la mort qui est sortie du tombeau,
mais la vie. Jésus est sorti du tombeau vivant, sans bandelettes ni suaire. La vie de
Dieu a vaincu la mort, elle l’a laissée sur place !
Les bandelettes et le suaire nous montrent que, de la mort, il ne reste plus que les
signes. Ces signes tout à fait réels de la mort font malheureusement toujours partie
de nos vies, parfois bien douloureusement.
Mais grâce au Christ, la mort est restée prisonnière d’un tombeau qui nous est
désormais ouvert. La tombe qui enfermait le corps de Jésus a pu retenir la mort, mais
pas la vie du ressuscité. Il est vivant, vraiment vivant !
Amen