Chers frères et sœurs,
Mercredi dernier, au lendemain de la Toussaint, nous avons célébré le jour des fidèles
défunts. Vous êtes probablement nombreux à être allé au cimetière prier pour vos
proches défunts. En faisant cela, vous avez posé un acte de foi en la résurrection.
Quand on prie pour un mort, c’est bien qu’on croit en la résurrection. Sinon, à quoi
servirait de prier pour un mort ?
Si après la mort il y avait le néant, prier pour un défunt serait absurde, il n’aurait pas
besoin de nos prières.
Si au contraire après la mort c’était la béatitude immédiate, comme pour la Vierge
Marie, prier pour nos défunts ne servirait à rien non plus, puisqu’ils seraient déjà
comblés.
En revanche, si comme nous le croyons, nos défunts sont déjà avec Dieu et pourtant
pas encore pleinement, s’il est vrai que tous ensemble nous attendons « la
résurrection des morts et la vie du monde à venir » au dernier jour, alors ça vaut le
coup de prier pour eux.
Dans les textes d’aujourd’hui, nous voyons que cette foi en la résurrection n’a pas
émergé facilement. Schématiquement, on peut dire qu’elle a progressé en 3 temps.
D’abord, dans la première lecture nous avons le premier témoignage de la foi en la
résurrection. C’est la 1e étape.
Sept frères sont martyrisés parce qu’ils refusent de renier leur foi. Leur raisonnement
est nouveau. Il se disent : si je suis fidèle à Dieu au point d’en perdre ma vie, alors
lui qui est fidèle, me la rendra.
C’est la première fois qu’on voit cette logique dans la Bible. Jusque-là, Dieu sauvait
tout un peuple, c’était le principe de l’Alliance. Là, on comprend que ce n’est pas
possible que Dieu sauve seulement un peuple, il s’intéresse aussi aux personnes. La
résurrection apparaît comme une réponse de Dieu à la fidélité de ces personnes.
Mais il s’agit ici plutôt de la résurrection comme hypothèse consolante. Dans un
temps d’épreuve, les sept frères se consolent en se disant que Dieu ne peut pas les
laisser souffrir gratuitement.
Voilà la 1e étape : la résurrection comme hypothèse consolante.
Encore aujourd’hui, certains accusent les chrétiens d’avoir la foi uniquement pour
rechercher une consolation.
Et puis dans l’Évangile, il y a la 2e étape avec les questions des Sadducéens, ceux
qui, au temps de Jésus, ne croyaient pas en la résurrection.
Ils exposent à Jésus leur histoire, là encore de sept frères, mariés successivement à la
même femme. Les Sadducéens veulent comprendre comment la résurrection pourrait
bien fonctionner. Ils la mettent en équation.
Ici la résurrection n’est plus une hypothèse consolante, mais une hypothèse
intellectuelle. Les Sadducéens sont intéressés par l’idée mais ils veulent s’assurer
que le système fonctionne selon leurs lois, sinon ce n’est pas crédible. C’est leur
intelligence qui doit leur donner la réponse, pas Dieu.
Et enfin, nous savons qu’il y a eu une 3e étape, celle du matin de Pâques, quand la
résurrection est sortie du monde de l’hypothèse. Les apôtres et les disciples ont
expérimenté la résurrection de Jésus, ils ont vu celui qui était mort, ils l’ont reconnu,
ils l’ont touché. Ils l’ont expérimentée dans leur chair, et alors, tout ce qu’ils avaient
vécu avec Jésus s’est éclairé d’un jour nouveau. Ce matin-là, la résurrection est
devenue une réalité vivante qui est venu tout transformer. Leur vie a changé de nature
au contact du Christ ressuscité. Suite à cette expérience vécue, ils ont tout donné.
Frères et sœurs, ces trois étapes sont aussi celles de notre foi.
Parfois, quand nous traversons des épreuves, nous utilisons notre foi comme une
hypothèse consolante.
Parfois également, nous nous réfugions dans l’intellectualisme, nous décortiquons la
Révélation pour nous assurer que nous ne sommes pas fous. Ce n’est pas mal, mais
ce ne sont que des étapes vers la foi chrétienne.
La foi chrétienne, c’est une foi vécue, éprouvée, qui renverse tout, qui éclaire tout
d’un jour nouveau. Notre foi n’est ni une hypothèse consolante, ni une hypothèse
intellectuelle. C’est la rencontre quotidienne avec Jésus ressuscité. C’est tellement
plus grand, tellement plus révolutionnaire ! Mais notre monde en fait si peu
l’expérience…
Partout nous voyons des propositions spirituelles, qui ont parfois un succès énorme,
mais qui ne sont que des hypothèses consolantes ou intellectuelles.
Regardez ceux qui passent leur temps à débattre, à philosopher, à chercher une vérité
qu’ils ne veulent surtout pas atteindre. Regardez les francs-maçons qui passent leur
temps à penser pour chercher une vérité. Certains se disent déistes, voire chrétiens.
Mais accepter celui qui est la Vérité, c’est arrêter de chercher celui que j’ai déjà
trouver, c’est accepter de perdre la maîtrise de mes hypothèses intellectuelles.
Regardez aussi ceux qui passent leur temps à chercher du bien être dans des
hypothèses consolantes, toutes ces spiritualités à la carte qui n’ont comme finalité
qu’un bien-être autocentré. Il semble si difficile de se laisser rejoindre par un amour
qui nous décentre, qui nous déplace, nous dérange. Il semble que la consolation ne
doive alors rester qu’un chemin personnel, et pas une vérité universelle qui
bouleverse ni ma vie, ni le monde.
Mais regardez également les autres monothéismes, qui ne parviennent pas à
concevoir que Dieu se soit fait l’un de nous en Jésus Christ pour venir à notre
rencontre. Ils ne conçoivent pas que Dieu ait pu devenir une expérience vécue dans
la chair.
Chers amis, notre foi en la résurrection est un trésor. Elle est bien plus qu’une
hypothèse. Elle est une réalité vécue qui transforme notre vie. Elle est la rencontre
d’une humanité avec son Dieu. Mais elle est une réalité qui ne peut être vécue
qu’avec le Christ. La foi est une expérience vécue dans une relation personnelle avec
Jésus ressuscité, qui engage toute notre humanité et la transforme au point de lui
donner l’horizon de la vie éternelle.
Amen