Chers frères et sœurs,
Il paraît que pour une bonne homélie, le prêtre doit se limiter à une seule idée.
Sinon non seulement ce n’est pas clair, mais en plus c’est trop long. Sauf
qu’aujourd’hui, c’est difficile. Ces textes nous disent tellement de choses…
Rassurez-vous, je me contenterai tout de même d’un seul point : celui de la
violence qui habite le coeur des vignerons. Ces hommes sont violents, cupides. Ils
n’hésitent pas à frapper, à lapider, à tuer même, pour conserver le fruit d’une vigne
qui ne leur appartient pas.
Et Jésus interroge ses disciples : que Dieu va-t-il faire de ces vignerons ?
C’est assez cocasse d’entendre cette question dans la bouche du Christ, vous ne
trouvez pas ? Habituellement, cette question est plutôt la nôtre : Seigneur, que fais-
tu face à la violence ? L’apparente inaction de Dieu face à la violence de notre
monde peut sembler un véritable scandale! Dieu serait-il indifférent au mal et à la
violence ?
Les disciples semblent sûrs d’eux : non! Dieu, le maître de la vigne, va intervenir et
régler leur compte aux vignerons. « Il les fera périr misérablement » répondent-
ils…
Mais Jésus leur explique que ce n’est pas la logique de Dieu. Enfin, ça ne l’est plus.
Ça, c’était la logique au temps du déluge. En fait, les disciples aimeraient bien un
nouveau déluge. Que les méchants soient engloutis et qu’on garde les justes… on
trouvera bien un nouveau Noé!
Mais rappelez-vous ce que Dieu se dit après le déluge (Gn 8,21) : « Jamais plus je
ne maudirai le sol à cause de l’homme : le cœur de l’homme est enclin au mal dès
sa jeunesse, mais jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. »
Jésus nous explique que Dieu n’agit pas ainsi. C’est vrai, il n’est pas indifférent au
mal qu’il y a dans le coeur des vignerons, mais il ne va pas agir en les éliminant. Il
a changé de méthode : il va les appeler à la conversion.
Comment ?
Il met sur leur chemin des médiateurs. Dieu fait toujours comme ça, aujourd’hui
encore. Il met des hommes et des femmes sur nos routes pour nous amener à lui.
Là, il envoie ses serviteurs. Un 1er, un 2e, puis un 3e. Dieu ne se lasse jamais. Dieu
espère toujours en l’homme. Il envoie même son propre fils. Mais les hommes sont
d’une telle cupidité qu’ils refusent, même face au fils, d’abandonner la violence.
Frères et soeurs, Dieu n’est évidemment pas indifférent au mal qui habite notre
monde. Mais n’attendons pas qu’il élimine ce mal comme il l’a fait au temps de
Noé. Dieu n’arrête pas d’agir contre le mal en nous attirant à lui, en cherchant notre
conversion sans cesse. Dans le combat contre le mal, Dieu a besoin de nous. Il
attends que nous purifions notre coeur sans cesse et que nous soyons ses serviteurs,
ses médiateurs, pour convertir les coeurs de nos frères.
Une dernière chose. Cette Évangile se termine avec l’annonce d’une bonne
nouvelle : « la pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est
là l’oeuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ».
On nous annonce que le fils a été tué, et pourtant, nous avons une bonne nouvelle à
y voir.
Quelle est cette merveille devant nos yeux ?
C’est que le fils de Dieu que l’homme a rejeté est déjà devenu, par sa résurrection,
celui qui nous sauve et qui nous garantit que malgré la cupidité qui peut régner
dans notre coeur, Dieu sera juste et miséricordieux avec nous. Sa victoire contre le
mal, par sa résurrection, est acquise, et rien ne pourra plus changer ça.
Frères et soeurs, oui, le mal fait parti de notre monde. Mais ce monde peut porter
des fruits magnifiques si nous convertissons nos coeurs et si nous nous faisons les
serviteurs de Dieu. Et n’hésitons pas, car la victoire est déjà acquise!
Amen