Chers frères et sœurs,
« Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin
de viandes grasses et de vins capiteux (…) ». Ça c’est la version d’Isaïe dans la 1e
lecture.
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui [célèbrera] les noces de son
Fils ». Ça c’est ce que dit Jésus selon saint Matthieu.
« On ira tous au paradis, même moi, qu’on soit béni ou qu’on soit maudit, on ira
(…) ». Ça c’est la version de Polnareff.
Dans tous les cas, la question est : qui ira au paradis, tous ou quelques-uns seulement
? Qui sera sauvé et à quelles conditions ?
En fait, si on veut répondre à cette question, il faut y aller par étape. D’abord c’est
quoi être sauvé ? Dit autrement, de quoi avons-nous besoin d’être sauvé ?
De plein de choses. Celui qui a un cancer dira qu’il a besoin d’être sauvé de sa
maladie. Celui dont la famille se déchire a besoin d’être sauvé de cette situation
douloureuse. Celui qui est dépendant à l’alcool, à la drogue, au jeu, à la pornographie,
a besoin d’être sauvé de sa dépendance pour retrouver sa liberté. Nous avons tous
besoin d’être sauvés de ce qui nous entravent, de ce qui nous limite.
Et ultimement, la dernière des limites c’est la même pour tous : la mort, ce néant qui
semble être notre horizon commun. Nous avons besoin d’être sauvés, parce que nos
vies sont enfermées dans des limites qui sont non seulement souvent douloureuses,
mais surtout qui sont infranchissables par nous-mêmes.
Donc quelles que soient les réalités de nos vies, nous avons besoin que Dieu nous
libère de ces limites en nous donnant ses capacités, sa divinité, sa vie, sa liberté, sa
joie, dès maintenant et pour toujours. La vie, la liberté, la joie, dans les textes
d’aujourd’hui, ce sont les festins, les noces, ces évènements pleins de vie.
Bien, ça, c’est pourquoi nous avons besoin du Salut.
Mais vient la seconde question, plus redoutable. Dieu offre son Salut… mais à qui ?
Qui y aura droit ?
Selon Isaïe, ce sont « Tous les peuples (…) toutes les nations (…) tous les visages ».
Selon l’Évangile, ce sont « les mauvais comme les bons », mais uniquement ceux
qui d’une part auront accepté l’invitation et d’autre part auront revêtu l’habit de noce.
Et pour Polnareff ce sont « toutes les bonnes sœurs et tous les voleurs, toutes les
brebis et tous les bandits, on ira tous au Paradis ! ». Voilà des réponses bien
différentes mais qui nous permettent de préciser la question : l’offre du Salut
dépendra-t-il de notre mérite ?
Si nous regardons la première partie de la parabole, on serait tenté de répondre non :
le roi invite absolument tout le monde à la noce. Il n’est pas question de mérite. Ça,
c’est fondamental : Dieu désire que tous nous soyons sauvés. Dieu a un vrai désir de
tous nous retrouver autour de lui au grand festin du Royaume.
Mais deux éléments résistent.
D’abord notre liberté : on voit dans l’Évangile que certains invités ne désirent pas
venir à la noce. Ils ont mieux à faire. Accueillir le Salut de Dieu nécessite un désir
de notre part, un désir à accepter une invitation qui peut nous surprendre, nous
déranger, voire nous sembler étrange. Regardons autour de nous : la bonne nouvelle
de l’Évangile semble étrange à beaucoup de monde aujourd’hui… Et jamais nous ne
serons forcés par Dieu. Dieu ne s’impose jamais, et il n’imposera jamais son Salut.
N’imaginons pas que la vie éternelle, qui sera la pleine communion avec Dieu,
s’imposera à qui que ce soit.
Enfin, il y a l’histoire du vêtement. Parmi ceux qui acceptent l’invitation, il y en a un
qui n’a pas l’habit qui convient et quise fait jeter dehors. Bonne ambiance à la noce…
On a envie de dire à Dieu : il faudrait savoir ! Si tu invites tout le monde, il faut
prendre chacun comme il est !
Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça. Oui, le Salut de Dieu est un don qui n’attend
pas notre mérite. Mais c’est un don à accueillir, mieux, à revêtir comme un vêtement
de noces. C’est un projet divin dans lequel il nous faut faire entrer notre vie. Et de ce
point de vue, s’il n’est pas question de mérite, il est quand même question de désir.
Le désir de Dieu est de nous sauver, tous, mais est-ce bien notre désir, mon désir ?
Est-ce mon désir de me laisser faire par Dieu ? Si je l’aperçois qu’aujourd’hui déjà
j’ai du mal à me laisser faire par Dieu, ça veut dire que la réponse n’est pas si évidente
que ça !
Avons-nous déjà, aujourd’hui, le désir de faire l’expérience du Salut de Dieu ? Pour
l’expérimenter, il faut le désirer. Et si ce pauvre homme s’est fait jeter de la noce,
c’est que son habit signifiait son absence de désir. Est-ce que le dimanche, quand je
viens à la messe, je m’habille bien, je m’endimanche, pour dire à Dieu mon désir de
le recevoir, l’importance de son Salut pour moi ?
Frères et sœurs, recevons l’invitation de Dieu au Salut, mais n’oublions pas de la
désirer vraiment !! Désirons recevoir ce Salut, et manifestons-le en revêtant des
habits de noces, et en ayant des têtes de sauvés !
Vous voyez cette cuve baptismale préparée pour Timothée ? Vous voyez cet autel
pour l’Eucharistie ? Voici le banquet éternel qui commence.
Amen