ENSEIGNEMENT par André Degorces
« Doctrine sociale de l’Église » … Que des gros mots ! ?
Pour commencer … je désire partager trois passages de la Parole de Dieu.
D’autres lectures … viendront ensuite …
Courage !
Nous allons trouver dans tout cela des mots à partager sur le « discours social de l’Église ».
Oui, « discours ». Comme d’autres, je préfère l’expression « Discours social de l’Église » à celle de
« Doctrine sociale de l’Église ». Le mot « discours » indique que l’Église est en dialogue.
Un dialogue qui est toujours nourri des prises de paroles, des papes, des évêques, des mouvements
et d’associations de chrétiens.
D’abord quelques versets du livre du Lévitique. (écrit entre les 16 et 12èmes siècles avant Jésus-
Christ …)
« Si ton frère devient pauvre chez toi et que les ressources lui manquent,
tu le soutiendras, même si c’est un immigré ou un résident temporaire,
afin qu’il puisse vivre chez toi. » (Lev 25, 25…)
Puis, une dizaine de siècles plus tard, Jésus s’adresse à ses disciples.
L’évangéliste St Matthieu (chap. 25) rapporte des mots de Jésus que nous connaissons bien.
Sous ce titre dans nos bibles « le jugement dernier » ou bien sous cet autre titre « l’humanité entière
jugée sur l’accueil des petits ».
« Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous
depuis la fondation du monde.
Car j’ai eu faim et j’ai eu soif … et vous m’avez donné à manger… à boire ;
j’étais un étranger … malade … nu … en prison … et vous m’avez vêtu …visité recueilli …. …
Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que
vous l’avez fait ! » – dit Jésus.
Troisième texte … Dès le 1er siècle, c’est l’apôtre Saint Jacques qui écrit :
« Écoutez -moi, vous, les gens riches ! … Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont
mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. …
Des travailleurs ont moissonné vos terres, et vous ne les avez pas payés ; … » (Jacques, 5, 1 …)
Jacques vise d’abord les grandes fortunes de son temps, bien sûr ….
Mais, nous pouvons nous interroger : comment s’adresse t’il à nous, à moi ?
Après ces trois sources, ceux que nous nommons les « Pères de l’Église » au 4ème siècle ne sont pas
restés silencieux … Je lis … :
– St Jean Chrysostome :
« Donne du pain et tu recevras le paradis.
Lave les mains de ton âme avec l’aumône. »
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– St Basile … (le Grand) :
« Ces biens actuels, d’où te viennent-ils ?
Si tu me réponds “du hasard », tu es un mécréant,
car tu ne reconnais pas ton Créateur,
plein d’ingratitude envers Celui qui t’a tout donné. »
– … Saint Ambroise de Milan (lui qui a donné le baptême à Saint Augustin) :
« Ce n’est pas de ton bien que tu distribues au pauvre. …
La terre appartient à tous et non aux riches. »
Plus récent celui-là … qui n’est pas « père de l’Église » … le bienheureux Frédéric Ozanam (dans les
années 1850) (fondateur de la Société St Vincent de Paul) :
« Vous les pauvres, vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs.
Vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas.
Et ne sachant pas l’aimer autrement, nous l’aimerons en vos personnes ».
Trois passages de la Bible, d’autres des Pères de l’Église, un d’un serviteur plus récent, …
j’aurai pu choisir … l’Abbé Pierre, le Père Joseph Wresinski – fondateur d’ATD Quart-Monde. …
Je pointe maintenant quelques enseignements des papes pendant les 130 dernières années.
J’en ai choisi plusieurs qui me parlent.
1891 : Léon XIII écrit l’encyclique « Rerum Novarum » = « des choses nouvelles » …
Il invite à être attentif à « la misère et la pauvreté qui pèsent sur la majeure partie de la classe
ouvrière ». Dit-il.
Il encourage le syndicalisme chrétien. Des mouvements d’action catholique spécialisés vont naître,
à la fois pour les adultes et les jeunes. Il parle de justes salaires, de droit au repos, de dimanches …
(n’est ce pas d’actualité … ?)
70 années après Léon XIII, en 1961, je passe à « Mater et Magistra » écrit par le Pape Saint Jean XXIII :
Oui, l’Église est « Mère et éducatrice » de tous les peuples …
Elle « veille avec une providence maternelle sur la vie des personnes et des peuples, respectant avec
soin leur dignité. »
Le Saint Pape Jean invite à relire les structures en place pour plus de vérité, de justice et d’amour.
1963 … c’est encore lui, le Pape St Jean XXIII, qui écrit l’encyclique « Pacem in terris » « La paix sur la
terre » !!! « à tous les hommes de bonne volonté croyants ou incroyants ».
1963, en plein contexte de guerre froide … afin « que les conflits ne soient pas résolus par les armes,
mais plutôt par la négociation ».
Encore l’actualité … nous tous, nous tentons d’écouter les nouvelles, les commentaires
d’intervenants que je pense sérieux et compétents. Des « artisans de paix » peut-être ?
« Pacem in terris » englobe de multiples questions : la paix bien sûr, et le désarmement, et le
développement, le dialogue avec les non-chrétiens, le travail, les pouvoirs publics, l’immigration.
Il n’y a là que du respect des personnes à développer.
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Cette encyclique a nourri bien des engagements en Église.
Je pense au mouvement Pax Christi,
aux actions du Secours Catholique,
à celles du CCFD Terre Solidaire (comité catholique contre la faim et pour le développement), …
(Lequel CCFD nous offre un livret intitulé « pour ceux qui rêvent de se nourrir en paix » … à méditer en
ce carême 2023)
Et puis, … 1965 … Un temps nouveau est ouvert par le Concile Vatican II.
« Gaudium et spes » « Joie et espoir » … !
Avec ces nouveautés à vivre encore et toujours :
• en nos vies, la place prise de la lecture et de la méditation de la Parole de Dieu ;
• et, « pour le bien du Corps entier », les collaborations évêques, prêtres, diacres
permanents, religieux, laïcs, animatrices et animateurs en pastorale ;
• les participations de tous aux liturgies ;
• et les dialogues œcuménique et interreligieux ;
• et l’ouverture au monde …
C’est le « discours social de l’Église … servante pour ce monde, à la suite du Christ, Lui qui « est la
lumière du monde » comme l’exprime l’important document de Vatican II « Lumen Gentium » :
« L’Église – sacrement. C’est à dire signe et moyen de l’union intime avec Dieu … »
« Gaudium et Spes » éclaire le « comment vivre en chrétien dans le monde d’aujourd’hui ».
Cet acte du Concile débute avec ces mots pour nous aujourd’hui :
« Les joies, les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et tous ceux qui souffrent,
sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, …. »
1967, « Popularum progressio » du Pape Saint Paul VI : « Le développement est le nouveau nom de la
paix »
Paul VI cite « le développement de tout l’homme et de tous les hommes. »
Solidarité des peuples. Développement pas seulement économique,
mais aussi dans sa dimension sociale et sa dimension spirituelle.
Et puis, le pape Saint Jean-Paul II rappelle Léon XIII « 100 après » « Centesimus annus »
Avec un titre majeur : « L’homme est la route de l’Église » !!!
Tels sont nos appuis pour observer le « discours social de l’Église » :
les textes bibliques cités au début (le Lévitique, l’évangile selon St Matthieu, la lettre de St Jacques) …
d’autres aussi, et les appels des Pères de l’Église, ceux du bienheureux Ozanam,
et les paroles des Papes …
De tous temps, il nous est donné de marcher sur les chemins d’humanités
où Dieu est présent, où l’Esprit Saint est à l’œuvre,
où le Christ Jésus nous aime tant et marche devant.
Autant de mots à partager … comme des « je t’aime » !
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Et les évêques de France ne sont pas en reste … Je choisis quelques titres entre tous :
1972 : « pour une pratique chrétienne de la politique »
1980 : « femmes dans la société et l’Église »
1982 : « l’homme aujourd’hui face à la mort » (!!!)
1984 : « Attention … pauvretés »
1985 : « Construire l’avenir avec les immigrés »
1992 : « le travail du dimanche »
2005 : « repères dans une économie mondialisée »
2013 : « qu’as-tu fait de ton frère ? »
Bref … la conférence des évêques de France donne chaque année un document qui donne sens pour
vivre une société plus juste et plus fraternelle.
Et nous partageons d’autres textes plus récents donnés par les Papes.
Ils éclairent les interpellations de Jésus, après celles des prophètes de tous les temps
et ils contribuent au « Discours social de l’Église ».
Ainsi, en 2005 … Benoît XVI et l’encyclique « Dieu est amour ». « Deus caritas est »
Deux parties dans ce texte.
Dès les premiers mots, le pape invite les lecteurs que nous sommes à reconnaître Dieu – Père
(amoureux de tous) … Il rappelle les mots de Saint Jean :
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique :
ainsi tout homme qui croit en Lui obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 16)
Dans cette encyclique, une phrase touche ce que nous allons vivre ici, à la fin de la messe, … quand le
prêtre ou le diacre prononce ou chante l’envoi :
« Allez dans la paix du Christ ! ». Alors, nous partons chez nous ou « sur les places »
Benoît XVI développe un aspect de l’Eucharistie, alors que nous quittons nos assemblées.
Il écrit :
« une eucharistie qui ne se traduit pas
en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée ».
Puis, le Pape ouvre une 2ème partie en attirant notre attention sur cette « pratique concrète de
l’amour » : l’engagement des chrétiens dans l’action caritative.
Il écrit : « la charité c’est l’essence même de l’Église,
au même titre que le service des sacrements et l’annonce de l’Évangile »
Et, nous pensons à tous ces mouvements, où faire équipe pour assurer ce service de la charité, pour
vivre l’Évangile au quotidien.
Plus récemment, le Pape François a nourri le « Discours social de l’Église », avec une encyclique sur lien
social.
C’est en 2020 … « Fratelli Tutti » « Tous frères » !
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Déjà dans son encyclique précédente « Laudato si » « Loué sois-tu », le Pape François avait écrit :
« Tout est lié » : « il nous faut écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » .
Et nous, nous lisons des appels dans « Fratelli Tutti » :
• à une vie digne par le travail,
• au primat du politique sur l’économique,
• au bien commun mondial,
• à l’éradication de la faim et de la misère,
• à une réelle défense des droits humains fondamentaux.
Le Pape François nous offre l’appui de l’Évangile, en nous donnant sa lecture et sa méditation sur la
fraternité du Bon Samaritain (Luc 10) .
Chez ce Samaritain de la parabole de Jésus, il n’y a pas de repli sur soi,
pas de mépris de celui qui est différent, pas de mauvais traitement … Juste les gestes qui sauvent !
Enfin, et cela me donne le sourire (parce que nous devons sourire … aussi),
j’aime bien les mots ajustés du pape François quand il dit :
« la paix sociale est difficile à construire, elle est artisanale. ». (217).
Artisans. Oui ! « Heureux, les artisans de paix ! »
Tel est le « Discours social de l’Église ».
Nous n’en n’aurons pas fini de lire et de méditer la Parole de Dieu, l’Évangile, qui inspire ce « discours »
en Église, d’en accueillir les mots qui orientent nos actes, de les partager pour en vivre ensemble,
… dans tous ces lieux d’humanisation qui s’imbriquent entre eux tous :
• La famille, bien sûr. Le travail. La vie économique pour tous.
• La communauté politique et la défense des plus faibles.
• La communauté internationale où vivre tous ensemble.
• La sauvegarde de l’environnement puisque « la terre appartient à tous ».
• Et l’exigence indispensable afin que tout se réalise : c’est la paix pour tous
Pourquoi donc ai-je choisi de parcourir ces textes de la Parole de Dieu,
de pères de l’Église et d’encycliques des papes ?
Dans toutes ces prises de parole, il s’agit
• de l’attention aux autres ;… d’aimer comme Dieu aime
• de la construction de l’entité familiale, l’Église « domestique »
• d’éducation
Tous ont éclairé, pour moi, mon épouse et moi :
• un engagement syndical vécu avec d’autres qui rend attentif, dans la vie professionnelle, au
respect des personnes
• notre vie conjugale et familiale appuyée sur le mouvement des équipes Notre-Dame … une
vie en équipe pour partager, prier, nous entraider, avec une méthode ouverte à tous … pour la
joie d’être avec d’autres autant en recherche, pour aimer, partager notre foi et servir.
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Dès le début de notre vie nourrie du sacrement de mariage, nous avons été touchés par ces
mots des équipes Notre Dame :
« ils ambitionnent d’aller jusqu’au bout des engagements de leur baptême »
Afin de servir le Seigneur, « ils font de l’Évangile la charte de leur foyer » …
« parce qu’ils connaissent leurs faiblesses et leurs limites, ils ont décidé de faire équipe »
• et sur notre route … les Scouts de France ont été un appui pour vivre le service à
accompagner des jeunes et … des moins jeunes en responsabilité :
La charte d’engagement des responsables exprime ceci :
« Nous voulons le développement de tout l’homme et de tous les hommes »
« Nous agissons pour ce développement par l’éducation »
« Nous croyons qu’agir pour ce développement est missionnaire » exprime la charte
(!!! C’est du Popularum progressio … !!!)
Et ces phrases aussi, … bien simples, bien scoutes ! :
« le Christ a planté sa tente parmi nous, s’unissant à tout homme »
« Il est la route pour tout homme ».
Quand on a lu tout cela, si proche de la loi et de la promesse scoute à vivre « avec la grâce de
Dieu », nous nous sommes dit : « on y va ».
• enfin ces appels à partager avec le Secours catholique auprès de personnes en difficulté,
ou par le Service évangélique des malades,
ou par les « hospitalité » diocésaine et Montfortaine)
pour être toujours en équipe, en Église (ou d’autres associations),
accompagnant des personnes affaiblies, âgées ou malades : pour aider à vivre, pas à mourir
• et aussi … nos « oui » à l’interpellation au diaconat en Église …
Voilà … Je remercie le Seigneur d’avoir été invité à ce partage en ce temps de carême.
Les jours où j’écrivais cela … (à la fin de la semaine dernière)
des mots étaient offerts à tous au chapitre 58 du livre du prophète Isaïe.
Le Seigneur venait même nous tutoyer … Toi ! “tu seras comme un jardin bien irrigué”,
“en plein désert comme une source », « tu trouveras tes délices”… Promesse du Seigneur !
Le Seigneur nous invite à restaurer nos forces à toutes ces paroles qui nous remplissent d’énergie
pour les efforts à accomplir.
Il éclaire toujours « le discours social de l’Église ».
Le Seigneur « sera toujours ton guide. »
Je termine avec une image …
A Lourdes, où Marie est apparue à Bernadette, il y a la Cité Saint Pierre.
C’est un espace formidable fondé en 1955 par le Père Jean Rhodain,
(lui-même fondateur du Secours Catholique) … un espace afin d’y accueillir
les pèlerins en situation de pauvreté.
Dans le réfectoire, il y a une horloge. …….Elle n’a pas d’aiguilles. !!!
A leur place une inscription.
André Degorces
Diacre