Homélie de la Toussaint jeudi 1er novembre donnée par Mgr Colomb
Frères et sœurs, que faisons-nous le premier novembre ? Alors que l’automne s’installe, l’église est décorée des dernières fleurs encore vivantes, la bruyère ou les chrysanthèmes: serait-ce pour nous souvenir des riches heures de la moisson, alors que la nature entre dans son déclin et bientôt dans la mort de l’hiver ? La Toussaint, au moment où va s’achever l’année liturgique…
Célébrer la Toussaint, serait-ce regarder pieusement défiler la longue liste des saints et des saintes bien comptés, douze fois douze mille ; dévisager chacun d’entre eux…
Penser uniquement cela, frères et sœurs, ce serait tourner le dos au mystère de ce jour. Vous avez entendu Saint Jean tout à l’heure : «Moi, Jean, j’ai vu un ange se lever du côté où le soleil se lève», du côté où le soleil se lève et non pas du côté où il se couche ! En célébrant la Toussaint, l’Église ne se tourne pas vers le passé, mais vers l’avenir ! Comme jadis au Voyant de Patmos, le Seigneur nous dévoile aujourd’hui «ce qui doit arriver par la suite». Aujourd’hui, nous ne fêtons pas seulement les cent quarante quatre mille, mais aussi la foule immense qui les suit et que nul ne peut dénombrer ! Tous, nous sommes appelés par le Père à rejoindre la foule des saints !
Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils et d’où viennent-ils?
Ils viennent de la grande épreuve, ils ont lavé leur robe dans le sang de l’agneau !
Ne vivons-nous pas à une époque qui ressemble à celle des martyrs qui sont ici évoqués dans le livre de l’Apocalypse ? Ne connaissons-nous pas de grande épreuve ?… Il suffit de lire la presse, de partager les nouvelles des uns et des autres pour affirmer que les épreuves font partie de l’actualité de notre monde.
Nous savons, dans la foi, que nous sommes enfants de Dieu, et que ce que nous serons ne paraît pas encore. Saint-Jean dans sa lettre nous dit que le monde ne peut pas nous connaître, puisqu’il ne connaît pas Dieu. Ceci ne doit pas nous effrayer, mais nous rassurer. L’évangile est vivant, il est pertinent parce qu’il est un signe de contradiction dans le monde !
Il nous arrive bien souvent d’hésiter… Être chrétien aujourd’hui, à quoi bon ? Le salut est apparemment apporté par le matérialisme ambiant, toutefois si nous observons bien notre société, nous découvrons qu’une foule immense est en quête de sens, désabusée, troublée par de fausses valeurs.
Alors, nous qui sommes dans la foule qui suit le Christ, n’ayons pas peur du monde, de son indifférence, ne nous décourageons pas lorsque quelques-uns salissent l’Eglise par les scandales odieux dont ils sont la cause. Au contraire, pensons à ces saints que nous vénérons, pensons au bonheur qui nous est promis par Jésus dans le discours sur la montagne : « Heureux les pauvres de cœur, heureux ceux qui pleurent, heureux les cœurs purs… ». Il ne s’agit pas d’un bonheur passager, il s’agit d’un bonheur responsable, d’un bonheur qui est le fruit du don de soi, de l’amour de Dieu et du prochain… L’Eglise est plus grande et plus belle dans le temps et dans l’espace que nous ne pouvons l’imaginer.
Notre grande épreuve, où est-elle aujourd’hui ?
devoir lutter quand on voudrait être doux ? Si notre épreuve était précisément de vouloir œuvrer pour la justice et d’être contrarié par les structures de péchés ?
vouloir accomplir simplement notre devoir d’état, à la maison, au travail alors que bien des règles et des lois nous empêchent de le faire.
vouloir accueillir le don de la vie, celle d’un bébé handicapé ou d’une personne âgée dépendante quand des lois et des réseaux sociaux nous poussent dans d’autres directions.
vouloir respecter nos engagements, fût-ce avec un mari violent ou une épouse acariâtre, quand tout nous invite à la séparation ?
vouloir être miséricordieux dans une société qui est impitoyable.
vouloir être un homme libre dans une société qui cultive le discours démagogique.
Vouloir servir la vérité dans une société qui se nourrit de slogans.
La sainteté peut nous sembler lointaine ! Elle est toutefois pour nous, elle nous est offerte dans un monde dont la laideur ne nous échappe pas, mais c’est ici et maintenant que nous sommes invités au bonheur des béatitudes qui nous est promis par le Seigneur. Ne perdons pas de temps ! C’est dans cette atmosphère de crépuscule que Jésus, nous voyant dans la foule qui le suit, s’assoit, ouvre la bouche et nous annonce l’aurore : «Quand toutes ces choses vous arriveront à cause de moi, réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! ».
Chers frères et sœurs, bonne fête en compagnie de nos amis les saints, en compagnie de ceux qui nous ont transmis la foi, un art de vivre en chrétien et auxquels nous rendons visite au cimetière.
+Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes