Chers frères et sœurs,
Nous nous sommes quittés la semaine dernière en plein désert, au temps des
prophètes. Depuis Isaïe jusqu’à Jean-Baptiste, nous avons vécu ce début d’Avent au
désert, dans un face à face un peu aride avec Dieu.
Nous nous sommes quittés avec cette question : de quoi ai-je besoin d’être sauvé ?
Pourquoi le Messie annoncé serait-il mon Sauveur ?
J’espère que vous avez pu, chacun, trouver des éléments de réponse.
Prendre conscience que nous avons besoin d’être sauvés n’est pas forcément une
partie de plaisir. C’est reconnaître ses limites, assumer ses faiblesses, admettre que
nous ne sommes pas autosuffisants et que seuls, nous n’avons comme horizon que
notre finitude.
Mais ce dimanche, l’environnement change.
Le chemin aride sur lequel nous avancions se transforme. Le prophète Isaïe nous
décrit ce chemin qui « se couvre des fleurs des champs », il fleurit « comme la rose ».
Petit à petit, le désert se transforme en terre fertile. C’est comme si nous étions en
pleine mer et que nous entendions les premiers oiseaux. Ce sont des signes de vie qui
apparaissent et nous indiquent que la destination approche.
Et surtout, Isaïe pointe un signe qui ne trompe pas : c’est la joie. « Le pays aride (…)
exulte et crie de joie ». On entend venir « les cris de fête » et « l’éternelle joie ».
Le rose de cette chasuble en est le signe. Cette couleur du 3e dimanche de l’Avent,
nous montre qu’une véritable lumière arrive.
Frères et sœurs, la liturgie nous invite à voir cette lumière qui point et à déjà nous en
réjouir. Ce 3e dimanche d’Avent est le dimanche de la joie.
Alors très bien, réjouissons-nous.
Sauf que la joie, ça ne se décrète pas. On n’est pas joyeux sur commande, surtout
quand on sait toutes les difficultés que chacun de nous peut traverser. Et puis chez
les cathos, il peut y avoir cette tendance à être les ravis de la crèche sous prétexte
qu’il faut être joyeux.
Alors cette joie du 3e dimanche de l’Avent, c’est un slogan ou c’est réel ? Est-ce que
ça peut nous atteindre réellement ? Et pour quelle raison serions-nous spécialement
joyeux aujourd’hui ?
Cette semaine, si nous avons suivi le chemin de l’Avent, ça n’a pas forcément été la
joie. Nous avons été invités à prendre conscience de nos limites. Or, face à ces
limites, ce ne sont pas les promesses de bonheur qui manquent. Les promesses de
bonheur sont partout, mais pour le bonheur lui-même, c’est autre chose… Partout, on
nous propose des solutions miracles pour nous sauver de nos misères, de nos
déprimes, de nos limites.
Ces solutions sont parfois des personnes, politiques ou médiatiques. Ce sont parfois
des remèdes psychologiques ou pseudo-spirituels. Plus souvent se sont des pouvoirs,
des puissances, comme l’argent, l’influence, la toute-puissance des plaisirs. Dans les
séries, dans les films, dans la pensée unique, on nous présente tout ça comme ce qui
nous permettra de repousser nos limites, de nous libérer de nos malheurs, de faire
tomber nos contraintes.
La science parfois nous est aussi présentée comme ce qui nous sauvera de nos limites.
Le transhumanisme nous promet même une vie terrestre éternelle.
Frères et sœurs, il y a une véritable joie ce dimanche parce qu’après avoir compris
que nous avons besoin d’être sauvés, nous comprenons qu’aucune de ces promesses
de bonheur ne nous sauvera durablement. Ce dimanche, c’est la joie, parce que le
seul qui a le pouvoir de nous sauver pour l’éternité, c’est celui dont la naissance est
annoncée.
Regardez l’Évangile. Jésus est celui qui était attendu. Voilà celui qui ouvre les yeux
des aveugles et les oreilles des sourds, il soigne les boiteux et rend la parole aux
muets.
Jésus guérit des handicaps les plus profondément inscrits dans nos existences, dans
la chair. Il sort les hommes de leurs limites d’être finis et contraints pour nous dire
qu’il n’est pas tant guérisseur que créateur. Il recréée, il relève, il donne une vie
nouvelle. Celui qui vient possède cette capacité de nous restaurer dans notre
humanité, de déverrouiller tous nos handicaps, parce qu’il est celui qui nous a créé.
Et si nous regardons vraiment de quoi nous avons besoin d’être sauvés, nous
constatons que nous sommes tous des aveugles qui avons besoin de voir, nous
sommes tous des boiteux qui avons besoin de marcher droit, nous sommes tous des
sourds qui avons besoin d’entendre, nous sommes tous des pauvres qui avons besoin
d’entendre la Bonne Nouvelle, nous sommes tous des êtres finis qui avons besoin de
l’infini de Dieu. Nous en avons besoin parce que cette plénitude est inscrite au plus
profond de nous. Nous sommes faits pour ça, c’est notre identité.
Ne soyez pas étonnés de vouloir voir plus loin que le visible, de désirer entendre plus
beau que l’audible : c’est parce que nous sommes faits pour ça, nous avons été créés
pour ça. C’est notre séparation d’avec Dieu qui nous en a privé et nous en prive
toujours.
Mais Jésus nous le restitue en nous rendant au Père. Nous redevenons ce pourquoi
nous étions voulus en redevenant fils du Père.
Cette joie qui nous est donnée aujourd’hui, est la joie des fils qui sont rendus à leur
père.
Osons désirer voir plus loin, osons vouloir entendre plus beau, vivre plus grand ;
osons redevenir les fils du Père en nous laissant accueillir par cet enfant comme des
frères. Nous sommes faits pour ça, nous sommes faits pour la joie.
Amen