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Christ Sauveur

10 mars 2024, cathédrale Saint-Louis de La Rochelle

Vous avez sans doute vu l’émission Arrêt sur Image où le présentateur s’accuse de
sexisme parce que ses 4 invités sont des hommes. L’un d’eux l’interrompt en disant :
« Je ne sais pas ce qui vous fait dire que je suis un homme, mais je ne suis pas un
homme ». Alors le présentateur lui répond : « votre apparence ». Il faut dire que le
garçon était bien barbu. Pourtant le garçon lui rétorque : « je suis non-binaire, donc
ni masculin ni féminin et je refuse qu’on me genre comme un homme ».
Cet épisode pourrait nous sembler anecdotique. Mais ce serait ignorer qu’en France,
près d’un quart des 18-30 ans se déclarent non-binaire (enquête Ifop-Marianne
novembre 2020), ou que dans plusieurs pays d’Europe les parents peuvent ne pas
déclarer le sexe de leur enfant à la naissance, pour lui laisser le choix plus tard.
Ces questions de genre montrent que nous avons un vrai problème avec la vérité.
Notre époque vit une crise de la vérité et préfère la sincérité des opinions. Si une
personne pense sincèrement quelque chose, il faudrait lui reconnaître sa vérité. Tant
qu’on est sincère, il n’y aurait aucun problème à ce que chacun ait sa propre vérité.
C’est vrai qu’être sincère est important, mais ce n’est pas parce que je pense quelque
chose, même sincèrement, que cette chose est vraie. On peut, en toute sincérité, être
dans l’erreur.
Mais on refuse qu’une vérité puisse s’imposer dès qu’elle vient heurter nos
sensibilités sincères. Dans le match entre sensibilité et vérité, aujourd’hui, c’est la
sensibilité qui gagne. Et nous entrons dans un subjectivisme qui efface
progressivement l’idée de vérité de notre pensée commune.
On va nous dire : mais qu’est-ce que ça peut faire ? Que chacun pense ce qu’il veut,
ça ne fait de mal à personne.
Moi je veux bien, sauf que si nous n’acceptons plus qu’il y ait des vérités communes,
il ne peut plus y avoir de pensée non plus. Pour commencer à penser, il faut bien
savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, et s’accorder dessus.
C’est exactement ce que faisait Saint Thomas d’Aquin, quand il enseignait la
philosophie à la Sorbonne. Avec ses étudiants il commençait par débattre de la vérité.
Parce que sans se mettre d’accord là-dessus, il est impossible de penser tout le reste :

ni le bonheur, ni la justice, ni la science. Sans vérité partagée, il est impossible ni de
se parler, ni de vivre ensemble, ni de vivre en vérité face à soi-même.
C’est bien gentil ce petit cours de philo sur la vérité, mais qu’est-ce que ça a à voir
avec notre foi ?
Et bien ça a tout à voir. Parce que sans vérité, il n’y a pas de foi non plus. La foi
chrétienne ce n’est pas seulement croire quelque chose, mais c’est croire quelque
chose comme vrai. C’est même croire que la Vérité, c’est Jésus lui-même, que Dieu
est la Vérité, que la Vérité existe et qu’elle nous est accessible, donnée.
La Vérité c’est Dieu. Donc la Vérité nous ne la possédons pas, nous la contemplons
et nous la recevons comme un don. Dieu est la Vérité et il se donne à nous.
Nous n’avons donc pas à choisir qui nous sommes. Nous sommes, et nous recevons
cet être de Dieu. Nous recevons notre vie et les lois du monde, la loi naturelle, de
celui qui nous les donne par amour.
Frères et Sœurs, Dieu nous appelle à le recevoir comme Vérité et à demeurer en lui :
c’est un élément fondamental des lectures de ce dimanche (pardon pour cette
introduction interminable).
Dans la 1e lecture, le peuple hébreu parvient à faire la vérité sur son histoire. Il la
relit et admet qu’il ne recevait pas la vérité de Dieu portée par les prophètes.
Alors Dieu leur a donné l’épreuve de la déportation comme possibilité de faire la
vérité sur leur histoire. Et une fois la vérité faite, ils retrouvent leur terre.
C’est intéressant : pour être capable de voir l’action de Dieu dans leur histoire, le
peuple hébreu a dû accepter de se regarder en vérité. Pour trouver Dieu, il a dû
admettre qu’il l’avait méprisé. Entendons bien cela : pour être capables de voir Dieu
à l’œuvre dans notre vie, il nous faut être capable de regarder notre histoire en vérité.
Dans l’Évangile aussi il est question de vérité.
Jésus explique à Nicodème que le jugement de Dieu est une œuvre de vérité. Juger,
pour Dieu, ce n’est pas condamner, c’est faire la vérité. Quand nous rencontrons
Dieu, il nous met à nu. C’est ça le jugement. Être face à Dieu c’est être mis à nu par
l’amour d’un Père et devoir assumer la vérité de ce que nous sommes. Si nous
voulons entrer dans le Royaume de Dieu, il nous faudra bien consentir à ce jugement,

à cette mise à nu face à Dieu, retirer tous nos faux-semblants pour ne garder que ce
que nous sommes vraiment.
Dieu nous demande de vivre dans cette humilité dès aujourd’hui. Qui fait cette vérité
vient à la lumière et découvre la vraie liberté.
Frères et sœurs, ces lectures nous offrent un enseignement capital pour aujourd’hui.
Peut-être plus encore à vous, les plus jeunes. Vous êtes la première génération pour
laquelle on parle d’une « identité numérique ». Vous avez à la fois votre vie et une
vie numérique ; vous êtes quelqu’un sur les réseaux, peut-être même quelqu’un
d’autre. On vous invite à afficher une vie rêvée sur Insta ou une vie effaçable sur
Snapchat. Et vous passez parfois un temps de dingue à bosser ces vies rêvées ou
effaçables, pour être quelqu’un.
Pourtant, tout ce qui compte, la seule vie qui a de la valeur, parce qu’elle restera
éternellement, c’est votre vie réelle, celle qui vient de Dieu. Vos comptes, ils
s’effaceront. Votre vraie vie, elle ressuscitera. Donc le vrai trésor est dans votre vie
réelle, pas sur les réseaux. Le vrai trésor se trouve dans ce que vous êtes sans que
vous l’ayez choisi, pas dans ce qu’on vous impose d’être et que vous croyez choisir.
Osez regarder la vérité de votre vie, osez cultiver vos propres talents, osez passer
plus de temps à travailler votre vie réelle que vos avatars. Travaillez à faire grandir
cette vie-là, la vraie vie, pas une autre. Parce que toute autre vie n’est qu’illusion.
Osez faire grandir votre vie sous le regard de Dieu, pas sous celui des followers.
Amen
P. Louis Chasseriau

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