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Christ Sauveur

25 février 2024 Cathédrale Saint-Louis

Dans l’académie de Poitiers, nous sommes au milieu des vacances d’hiver. Ce week-
end, certains reviennent du ski, d’autres y vont. Nous, si nous sommes là, c’est qu’a
priori, ce ne sera pas pour cette année.
Mais pour nous consoler, les lectures d’aujourd’hui nous emmènent à la montagne.
Finis les Pyrénées et les Alpes, avec Abraham, nous allons au pays de Moriah, sur la
montagne du sacrifice d’Isaac.
Saint Paul, lui, dans la 2e lecture, nous fait monter au Golgotha où Jésus est mort.
Et l’Évangile nous emmène sur la haute montagne de la Transfiguration, là où le
Christ resplendit d’une blancheur plus lumineuse que la neige.
Dans l’Écriture, la montagne c’est le lieu où Dieu se révèle. Les auteurs des textes
bibliques, quand ils décident de nous emmener sur une montagne, c’est toujours pour
nous dire qu’il s’est passé quelque chose de l’ordre d’une révélation par Dieu à
l’homme. Sur chacune de ces montagnes, Dieu nous révèle quelque chose de son
identité. Je vous propose donc de faire l’ascension des trois sommets.
D’abord la haute-montagne de la Transfiguration. Pierre, Jacques et Jean y entendent
une voix qui leur dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé : écoutez-le ! ».
Dieu désigne Jésus comme son Fils. Vous allez me dire qu’il l’avait déjà fait au
Jourdain, au moment du baptême, et vous aurez raison. Mais là, la circonstance est
différente. Et pour le comprendre il faut être au clair sur une chose.
On peut entendre Dieu de deux manières :
– Dieu pour ce qu’il est en lui-même, son identité, depuis toujours et pour
toujours, c’est-à-dire la vérité de Dieu qui ne dépend pas de nous. Dieu est tel
qu’il est ;
– Et il y a Dieu tel que nous pouvons le percevoir avec notre esprit, notre
intelligence, notre raison, bien limités.
Entre ce qu’est Dieu et ce que nous en percevons, il y a nécessairement une distance.
Une distance que, par l’incarnation, par Jésus, il vient largement combler : « Celui
qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9) dit Jésus.

Pour autant, les contingences de ce monde demeurent et nous ne pouvons pas voir
Dieu tel qu’il est en lui-même. Voir Dieu, le connaître tel qu’il est, c’est d’ailleurs la
définition que Jésus donne de la vie éternelle quand il parle à son Père. « La vie
éternelle, c’est qu’ils te connaissent » (Jn 17,3).
Pour l’instant, nous voyons le Père à travers le Jésus, mais nous ne voyons Jésus qu’à
travers nos limites et celles du monde.
Or, ces limites semblent avoir disparues lors de la Transfiguration. Pierre, Jacques et
Jean voient Jésus tel qu’il est. Ils voient Dieu. Et ça ce n’était pas le cas au moment
du baptême.
Cela nous enseigne qu’en Dieu, tel qu’il est, Jésus est Fils. Autrement dit, Jésus n’est
pas un homme que Dieu a fait devenir fils par adoption. Il ne s’agit pas de l’élection
d’un homme élevé au rang de Dieu. Jésus est Dieu depuis toujours. Depuis les
origines il est le Fils qui était en Dieu, non pas extérieur à lui mais en lui. Ce Fils, en
Dieu depuis toujours, s’est fait homme et c’est Jésus.
2e sommet : le Golgotha. Ce Fils de Dieu là, donne sa vie. Il assume la souffrance et
la mort qui sont les malheurs de l’homme, pas ceux de Dieu. Pourquoi ? Pourquoi,
s’infliger ça s’il est Dieu ?
Par amour pour nous. Pour que la mort ne soit plus l’ultime étape de notre vie. Pour
qu’elle ne soit plus la fin de notre existence, Dieu doit l’affronter et la vaincre, parce
que seul Dieu est plus fort que la mort. Seul lui peut la vaincre. Alors il vient
l’affronter par amour pour nous et il fait de notre mort un passage, douloureux certes,
mais un passage vers la vie avec Dieu.
Et puis il y a le 3e sommet, dans la 1e lecture, au pays de Moriah : la montagne du
sacrifice d’Isaac. Épisode qui fait froid dans le dos : Dieu réclame la vie d’un enfant,
Isaac, garçon qu’il a lui-même donné à Abraham. En plus d’être cruel, ça n’a aucun
sens.
Pour le comprendre, il faut relever une clef que nous donne le 1er verset de la lecture :
« Dieu mit Abraham à l’épreuve ». Pour y comprendre quelque chose, il ne nous faut
nous mettre à la place d’Abraham, pas d’Isaac.
Abraham voit Dieu qui semble se contredire. Dieu promet, donne et semble
reprendre ce qu’il a donné. Pour Abraham, il ne s’agit pas seulement de tuer un fils,
mais de tuer le fils de la promesse. Il s’agit de dire que la promesse de Dieu était

fausse. Il y a alors la douleur du père devant la mort du fils, mais aussi la douleur
du croyant devant l’infidélité de Dieu.
Il faudrait reprendre tout le texte, mais résumons en disant que c’est quand
Abraham renonce à sa paternité comme possession qu’Isaac sera sauvé. Il faut
qu’Abraham renonce à posséder son fils, qu’il accepte de le voir comme fils de
Dieu, pour donner véritablement la vie à Isaac et devenir un vrai père.
Cette histoire est d’un grand enseignement.
Dans l’Évangile et la 2e lecture, Dieu s’est révélé comme le Père de Jésus. Avec
l’histoire d’Isaac, Dieu se révèle comme père de tous les hommes.
Nous sommes tous enfants de Dieu. Notre filiation avec Dieu est première. Nos
filiations terrestres ne sont que secondes. Pas moins importantes, mais relatives à la
première. Nos filiations terrestres doivent être des images de notre filiation divine.
Tout cela nous invite à au moins deux choses :
D’abord, à nous interroger sur nos filiations humaines : sommes-nous propriétaires
de nos enfants, de nos parents, ou sont-ils d’abord enfants de Dieu ? Suis-je capable
de confier mes enfants à Dieu ? Suis-je capable d’être collaborateur de Dieu dans la
croissance de mes enfants, de mes proches, de mes amis, et non l’inverse ?
Ensuite, cela nous invite à nous positionner devant Dieu comme des enfants. Et
cela est fondamental. Parfois nous pensons Dieu comme un magicien, un vieux
barbu dans les nuages, ou comme le grand architecte de l’univers. Il n’est rien de
tout cela. Il est un père qui aime.
Si dans notre vie il nous arrive de ne pas comprendre Dieu, sa manière d’agir,
rappelons-nous qu’il est un père et généralement tout s’éclaire. Il ne sait rien faire
d’autre que d’agir comme un père : il aime, il prend par la main et il relève. Amen
P. Louis Chasseriau

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