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Christ Sauveur

18 février 2024, Cathédrale Saint-Louis de La Rochelle et église Saint-Nicolas de Tasdon

Chers frères et sœurs,
Avant d’être prêtre j’étais notaire. Quand je recevais des actes de vente avant la
tempête Xynthia de 2010 et qu’on arrivait à la clause sur les risques naturels, tout le
monde se détendait et plaisantait. C’était frappant. En gros, si on en arrivait à parler
de trucs qui n’arriveront jamais, c’est qu’on n’avait plus qu’à signer.
Après Xynthia, en revanche, cette clause qui pointait les risques inondation et
submersion ne faisait plus rire du tout. Il y avait eu des morts et évidemment,
personne ne voulait prendre de risque. Parce qu’il y avait peu de chance que la
maison puisse se transformer en arche de Noé.
Avec Xynthia, nous avons fait une expérience de déluge. Et encore, rappelez-vous,
ce n’était rien à côté des tsunamis Thaïlandais et Japonais. De tout temps il y a des
évènements climatiques que l’homme a vécu comme de véritables déluges. Le
Moyen-Orient ancien n’a pas été épargné. Ça nous a donné des récits comme
l’épopée de Gilgamesh par exemple, où le déluge s’abat et le héros parvient à
échapper aux flots pour sauvegarder l’humanité. Le récit de la Genèse est donc
d’abord un récit populaire comme il en existe d’autres chez les Mésopotamiens, les
Perses, les Babyloniens, et qui est repris par l’auteur biblique.
Du coup, si ce récit est un récit populaire qui existe ailleurs, en quoi est-il parole de
Dieu ? Et quand bien ce récit serait de Dieu, qu’attendre pour nous aujourd’hui d’un
Dieu qui aurait décidé de provoquer un déluge ?
Avant de voir ce que ces textes peuvent nous dire, il faut donc poser la question du
statut de l’Écriture.
D’abord, n’oublions pas que Dieu s’est fait homme au sein d’un peuple avec lequel
il avait fait alliance. N’oublions pas non plus que Jésus lui-même s’est référé aux
textes de l’Ancien Testament, à cette histoire du Salut vécue entre Dieu et son peuple
et mise par écrit. Jésus a ainsi attesté que l’Esprit Saint en a inspiré l’écriture et que
ces textes, même quand ils prennent la forme d’un récit populaire, nous disent des
vérités fondamentales sur Dieu et sur l’homme.

Le déluge de la Genèse est donc un récit par lequel le peuple hébreu interprète une
expérience de déluge qu’il a vécue, interprétation qu’il fait au moyen d’un récit
populaire existant, et à l’occasion de laquelle il se laisse inspirer, enseigner par Dieu.
Et nous, Dieu nous parle toujours, pour aujourd’hui, à travers ce texte qui demeure
inspiré. À nous d’aller voir ce que ce récit de Noé a d’original par rapport aux autres
récits populaires. Si nous trouvons cette originalité, alors il y a de fortes chances que
Dieu ait quelque chose à nous dire dans cette singularité.
La grande originalité de l’histoire de Noé, c’est que, contrairement à tous les autres
récits de déluge, Dieu s’engage à ne jamais faire disparaître l’humanité. Dans ce récit,
Dieu fait alliance, une alliance dont l’arc-en-ciel sera le signe.
D’ailleurs, c’est assez drôle de voir cet arc-en-ciel repris aujourd’hui par de
nouvelles causes, au point de voir nos municipalités peindre des passages piétons de
toutes les couleurs, comme devant la gare à La Rochelle. Ils n’ont sans doute pas
conscience que depuis 3000 ans, cet arc est le symbole de l’alliance de Dieu avec les
hommes.
Dieu renonce à toute violence contre la terre, et pour le dire, il transforme une arme,
l’arc à flèches, en arc-en-ciel, pour dire son amour de l’humanité.
Nous n’avons donc rien à craindre ! Dieu ne détruira jamais l’humanité ! Ça ne veut
pas dire qu’il n’y aura plus de tempête Xynthia. Ça veut dire que ces tempêtes ne
sont pas des punitions de Dieu. Parce que nous le savons bien depuis le matin de
Pâques : Dieu ne détruit pas l’humanité, il la sauve.
Il y a un autre enseignement qu’on peut tirer de ce déluge, en le rapprochant de
l’Évangile.
Jésus se retire au désert. Là, l’évangéliste nous dit qu’il « vivait parmi les bêtes
sauvages ». Pourquoi ? Comment se fait-il qu’il n’ait pas été dévoré ?
Si l’évangéliste nous précise que Jésus « vivait parmi les bêtes sauvages », c’est que
Noé a vécu la même situation dans l’arche. Dans cette arche, je vous rappelle qu’il y
avait un couple de chaque espèce. Comment se fait-il qu’ils ne s’entre-dévorent pas ?
Dans l’arche comme au désert avec Jésus, la loi de la jungle semble ne plus
fonctionner. Les passions bestiales s’apaisent, il n’y a plus de violence. Ceux qui
sont ennemis vivent en paix. Nous sommes comme au jardin d’Eden, dans la création
originale.

Dans l’arche comme au désert avec Jésus, il y a une création qui se réconcilie avec
son Créateur. Même l’homme ne tue plus pour se nourrir. Tout est en symbiose.
Frères et sœurs, à travers ces lectures Dieu nous désigne l’arche et le désert comme
des lieux de salut. Voilà quelque chose de précieux pour notre Carême. Dieu ne nous
emmène pas au désert pour nous mettre à l’épreuve, parce qu’avec lui, le désert est
lieu de réconciliation. Il nous emmène au désert pour nous faire vivre un
dépouillement qui est réconciliation avec la Création, avec le Créateur, et qui est
chemin de Salut.
Vivons donc ces quarante jours comme dans l’Arche ou comme au désert, choisissez
le lieu que vous préférez. Dans les deux cas, nous sommes invités à laisser derrière
nous les lois de la jungle qui nous violentent, qui nous dévorent, et à nous réconcilier
avec la création originale. Amen.
P. Louis Chasseriau

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