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Christ Sauveur

Mercredi des cendres 14 février 2024, église du Sacré-Cœur

Chers frères et sœurs,
Les algorithmes sont parfois vexants. En ce moment, sur mon compte Instagram, je
ne vois apparaître que des pubs qui me promettent une perte de poids rapide contre
un minimum de sport. Grâce à une corde à sauter à près de 100 euros, quelques
minutes d’efforts chaque matin et je devrais avoir un summer body dans les temps.
Et bien frères et sœurs, avec le carême, nous risquons de tomber dans la même
publicité mensongère.
Dans la première lecture, il est affaire de jeûne, de larmes, de cœur déchiré ; dans
l’Évangile, d’aumône, de prière, et de jeûne. Alors on pourrait dire : non mais ça,
c’était le carême d’avant ! Maintenant, le carême c’est agréable, quelques minutes
de développement personnel chaque matin, et on gagnera son salut dans les temps.
Mais non. Je suis navré de vous l’annoncer, en 2024, le carême a toujours le même
programme : jeûne, aumône et prière. Et il a toujours le même but : la conversion.
Non pas un retour à soi, mais à un retour à Dieu dans le jeûne, l’aumône et la prière.
Alors le carême serait-il le reliquat d’un christianisme d’un autre âge, légèrement
masochiste ?
Non. Le jeûne, l’aumône et la prière, ce n’est pas du mal pour se faire du bien. C’est
de l’ordre du nécessaire. Qui peut croire que Didier Ledoux peut ainsi nous
accompagner à l’orgue sans des années de gammes ? Qui peut croire qu’on peut
savourer un bon repas sans des heures de travail en cuisine, dans les champs et les
vignes ?
Ce qui est vrai dans la vie est vrai dans la foi : il n’y a pas de résurrection sans la
Passion et sans la croix. Il n’y a pas de joie de Pâques sans carême.
Il ne s’agit pas de rechercher la souffrance, ce serait indécent. Il s’agit de s’appauvrir,
de faire fondre nos graisses spirituelles, pour laisser la place à Dieu qui vient habiter
notre humanité souffrante. Parce que nous savons que nos chemins de croix, s’ils
sont vécus avec le Christ, deviennent des chemins de salut.

Le carême est ce temps au cours duquel nous œuvrons concrètement pour donner à
Dieu toute sa place dans nos vies et lui laisser la possibilité de nous soulager de nos
croix.
Nous œuvrons concrètement par l’aumône d’abord.
L’aumône donne de la place à Dieu en interrogeant notre rapport aux biens.
L’aumône nous rappelle qu’en ce monde, nous ne sommes propriétaires de rien.
Fondamentalement, même si nous les méritons, nous ne pouvons jamais considérer
nos revenus comme exclusivement nôtres. D’une part, parce que nous ne sommes
créateurs de rien, et d’autre part, parce que nous ne sommes que de passage. La vraie
question n’est pas : combien tu gagnes ? Mais : comment redistribues-tu ce qui n’est
que de passage entre tes mains ?
Voilà ce que nous rappelle la pratique de l’aumône : ne jamais mettre notre espérance
dans les biens de passage, mais en Dieu seul.
La prière ensuite.
Je ne vais pas développer l’importance de la prière dans une vie chrétienne, vous le
savez aussi bien que moi. Je veux juste souligner ce qu’elle implique d’arrachement
aux flots du monde pour quiconque veut s’y plonger pleinement. C’est sûr, on peut
prier toujours et partout, en faisant le ménage, en conduisant, ou sous la douche. Mais
il n’y a rien à faire, on ne peut pas faire l’impasse sur ces instants de prière en retrait,
en silence, qui seuls peuvent arracher notre âme à l’engourdissement qu’elle subit au
quotidien.
C’est la condition pour être capables d’aimer comme Dieu aime. Nous n’aimerons
pas comme Dieu sans ressourcement radical auprès de lui qui est l’Amour.
Et le jeûne enfin. Le plus difficile en ce qui me concerne…
Jésus nous montre dans l’Évangile le lien entre le jeûne et notre disponibilité à Dieu.
En dehors des bienfaits corporels du jeûne, rester parfois sur sa faim est essentiel à
ce dépouillement de soi-même sans lequel on ne parvient pas à un certain degré
d’attention à Dieu. C’est pour ça que le jeûne est attaché au carême : il nous fait
retrouver une vigilance de la foi que l’abondance de biens et de nourriture étouffent.
Et surtout, le jeûne est directement lié à l’aumône. Il en est le pendant direct. Ce qui
est donné dans l’aumône est soustrait à notre propre satisfaction dans le jeûne.
Autrement dit, la charité se nourrit du renoncement joyeusement consenti. C’est ainsi

que le Seigneur dit dans le livre d’Isaïe : délier les attaches du joug, rendre la liberté
aux opprimés…
Aumône, prière, jeûne. On peut prétendre que tout cela est d’un autre âge. Ou on
peut tenter l’expérience, vraiment, pendant les 40 jours qui s’ouvrent, en demandant
à Dieu de purifier ainsi nos cœurs et de les préparer à recevoir la nouvelle
inimaginable de la résurrection.
Et contrairement au programme de sport d’Instagram, la joie ne sera pas uniquement
dans le résultat peut-être obtenu, mais elle sera aussi dans le chemin parcouru, parce
que ce sera un chemin parcouru avec le Christ.
Amen

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