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Christ Sauveur

20 novembre 2022, Sacré-Cœur de La Rochelle et Abbaye de la Grâce-Dieu

 

Chers frères et sœurs,
Nous célébrons aujourd’hui Jésus comme Roi de l’Univers.
C’est une fête magnifique… pourtant il n’y en a pas de meilleure pour se faire une
fausse idée de Dieu !
Dire que Jésus est Roi, c’est vrai, et en même temps, Jésus n’est pas Louis XIV. Fêter
le Christ-Roi, ce n’est pas faire entrer Jésus à Versailles. La royauté du Christ, c’est
autre chose.
Deux éléments nous permettent aujourd’hui de ne pas nous égarer dans de fausses
images.
D’abord, l’Évangile. Pour le Christ-Roi, la liturgie nous montre Jésus sur la croix.
On sait que la vie de Jésus culmine sur la croix. Donc s’il est Roi, sa royauté aussi
culmine sur la croix. Jésus n’est jamais autant Roi que quand il est crucifié. Ça veut
dire que sa royauté réside dans le don de lui-même.
Ensuite, notez que le Concile Vatican II a placé cette fête du Christ-Roi au dernier
dimanche de l’année liturgique. C’est comme si cette fête était la conclusion de tout
ce que nous avons fêté et dit du Christ cette année. Elle résume tout le reste. Quand
Jésus naît dans une étable, il est Roi. Quand il enseigne, il est Roi. Quand il prend
soin, il est Roi. Quand il est humilié, il est Roi. Quand il ressuscite, il est Roi. En tout
cela, Jésus règne.
On voit déjà que cette fête nous invite à prendre du recul par rapport à nos
conceptions humaines de la royauté. Ce n’est pas étonnant, Jésus nous avait averti :
« Mon royaume n’est pas de ce monde ». Je ne suis pas un Roi parmi vos rois.
Son royaume n’est pas de ce monde, d’accord. Mais d’un autre côté Jésus dit que son
Règne est déjà là, au milieu de nous.
Avouons-le, cette histoire de Royaume, d’un Christ-Roi, ce n’est pas simple. À notre
époque, ce n’est pas la manière dont nous nous représentons Jésus. Alors comment
fait-on pour fêter le Christ-Roi ?

Je crois qu’il faut commencer par surmonter deux confusions. La première est la
confusion entre royaume et territoire, et la seconde est celle entre royaume et
dictature.
Jésus ne règne pas sur un territoire. Il règne sur nos vies, et c’est bien différent.
Ça peut paraître évident, et pourtant, c’est bien la difficulté des romains et des juifs
dans l’Évangile. Jésus annonce en permanence le Royaume. Mais eux n’arrivent pas
à penser un roi qui ne règne pas sur un peuple, dans des frontières. Si Jésus est roi,
alors pour eux il est forcément roi des juifs. « Tu es le Roi des juifs », « c’est toi qui
le dis » répond Jésus. Non, sa royauté n’est pas celle-là.
Jésus n’est ni Roi des juifs ni Roi des chrétiens. Il est Roi de l’Univers. Qu’on le
veuille ou non, il l’est. Il ne règne ni sur un territoire, ni sur un peuple, mais sur
l’univers, sur la vie, sur nos vies.
Son Royaume existe, il est là. Mais il ne prend forme en ce monde que dans la mesure
où nous acceptons son règne, dans la mesure où nous acceptons que ce Roi règne sur
nos vies. Le règne de Dieu sera visible dans la mesure où nous laisserons nos cœurs
être envahis par les troupes de ce drôle de Roi.
Il y a une deuxième confusion à dépasser. Nous, français, nous avons une fâcheuse
tendance à confondre royauté et dictature. Nous avons été élevés dans cette idée
absurde qu’un roi est un despote. Il faut en avoir conscience, parce que ça perturbe
largement notre perception de la royauté du Christ. Non, un roi n’est pas
nécessairement un despote, et ce n’est certainement pas le cas du Christ. Jésus ne
désire pas régner sur nos vies comme un despote. Il ne nous impose rien.
Comme je le disais, là où le règne du Christ culmine, c’est sur la croix. Sa seule
couronne est d’épines, pas de joyaux. Le Christ règne, mais comme serviteur, comme
celui qui a donné sa vie par amour pour chacun de nous. Voilà en quoi il est Roi.

Une fois que j’ai compris que le Christ est Roi parce qu’il règne sur ma vie comme
un serviteur, alors je peux commencer à fêter le Christ-Roi et à avancer.
Alors je peux me poser cette question : est-ce que je vais accepter de me laisser servir
par le Christ ? Est-ce que je vais accepter de baisser les armes et de me remettre entre
ses mains, chaque jour ? Est-ce que je vais lâcher mon orgueil et le laisser me laver
les pieds, chaque jour ? Est-ce que je vais accepter que Jésus ait vraiment donné sa
vie, sur la croix, pour moi ?
Le Royaume de Dieu commence quand j’accepte ça. Donc clairement, ce Royaume
n’est pas de ce monde. C’est même carrément un autre monde.

Ici, dans ce monde, c’est le royaume de l’indépendance, du pouvoir, de la maîtrise,
de la prévoyance, du calcul, de l’amour égocentré, de la rentabilité.
Lui nous propose un royaume de dépendance, d’abaissement, de service, de don de
soi, de gratuité totale.
Accepter d’accueillir ce Royaume, ça bouleverse tout.
Je vous préviens : si vous acceptez de vous faire laver les pieds, tôt ou tard, vous
finirez par laver les pieds des autres. Si vous acceptez de vous laisser servir, vous
finirez par servir. Si vous acceptez qu’Il soit mort pour vous, vous finirez par mourir
pour lui, un peu chaque jour.
Plus encore, vous découvrirez que depuis toujours, vous étiez fait pour ça. Et vous
vivrez d’une joie profonde, parce que vous vous serez trouvés en trouvant celui qui
règne sur votre vie.
Voilà l’histoire de toute vocation. Toute vocation est l’histoire d’une découverte de
soi par la découverte de Dieu.
Voilà ce que je souhaite à chacun de vous. Je vous souhaite d’oser chaque jour vivre
dans ce Royaume de Dieu, pour découvrir qui vous êtes vraiment et le vivre.
Amen

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