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Christ Sauveur

23 et 24 juillet 2022, églises Sacré-Cœur et Sainte-Jeanne-d’Arc

Chers frères et sœurs,
Si chacun de nous pouvait témoigner de sa manière de prier, nous serions surpris par
la diversité de nos spiritualités. Notre religion a ceci d’unique qu’elle unit des
traditions spirituelles extrêmement nombreuses et variées.
Et nous le voyons dans les lectures de ce jour : entre Jésus qui apprend le Notre-Père
à ses disciples, l’histoire de la prière d’un ami quasiment harceleur, et la négociation
d’Abraham qui tente de sauver des vies humaines, voilà trois prières qui n’ont
absolument rien à vois les unes avec les autres.
Une chose cependant les rejoignent : elles ne sont jamais nombrilistes, elles sont
toujours tournées vers un autre. Dans le Notre-Père, l’homme se tourne vers Dieu
pour que le Règne du Père arrive. Celui qui vient déranger son ami en pleine nuit le
fait pour pouvoir accueillir ses visiteurs dignement. Et Abraham, quant à lui,
ressemble au négociateur du GIGN qui tente de sauver la vie des autres.
Trois prières très différentes, mais trois prières qui ne sont jamais renfermées dans
une relation entre moi et mon bon petit Jésus à moi. La prière nous ouvre aux autres
et au monde. Mieux, elle porte le monde !
Regardons l’épisode de Sodome pour mieux comprendre à quel point notre prière
porte le monde tout autant qu’elle nous porte nous-même.
Que se passe-t-il ?
Les habitants de Sodome se sont totalement détournés de Dieu et vivent contre toute
logique divine. Le livre d’Ezechiel (16,49) nous apprendra plus tard que le problème
principal était l’orgueil des habitants, incapables de pratiquer le minimum de
l’hospitalité avec les plus pauvres.
Leur vie est tellement séparée de Dieu, que Dieu préfère encore y mettre fin. On a
déjà vu ça avec l’épisode du déluge.
Et là commence la grande négociation d’Abraham. Son argument est simple. On l’a
tous utilisé quand on était à l’école : pas de punition collective, c’est injuste !

Pour Abraham on doit encore pouvoir trouver quelques justes à Sodome. Et on ne
peut pas liquider les justes avec les coupables. Donc si on trouve 50, 30, 10 justes,
ce doit être suffisant pour que Dieu renonce à la destruction.
Et puis, comment Dieu pourrait-il vouloir détruire ce qu’il a lui-même créé ? Ça nous
semble tellement éloigné du Dieu que Jésus nous a fait connaître…

Dieu a créé toute chose. Dieu est Père, il est amour, et par amour, il nous donne la
vie. Il ne l’a pas fait une fois pour toute il y a quelques milliards d’années ! Non, à
chaque instant Dieu maintient sa création, il maintient le monde, parce que le monde
est œuvre d’amour que Dieu ne cesse d’aimer.
Que Dieu cesse d’aimer, qu’il cesse de créer, qu’il cesse d’être (ces trois propositions
sont équivalentes), et les choses cessent d’être. Sans l’amour de Dieu, le monde
s’écroule, parce que l’amour de Dieu est source de la vie. N’importe quel élément
vivant que l’on coupe de sa source meurt. Avec le monde, c’est pareil ! Coupez le de
l’amour de Dieu et il meurt !
Et c’est bien le problème à Sodome. Dans cette ville, presque tout a été coupé de sa
source. La destruction est proche parce qu’on ne trouve plus trace de l’amour de Dieu
nulle part. Dieu n’est pas destructeur. La seule chose qu’il veut détruire, c’est le mal.
Or, dans Sodome, il n’y a plus que le mal.
Ne pas trouver de justes à Sodome remettrait forcément l’existence de la ville en
cause. Mais si on trouve ne serait-ce qu’un seul juste, un seul dont le cœur aime, dont
le cœur est miroir de Dieu, alors la source demeure, et le projet de salut de Dieu
demeure possible.
Alors on pourrait dire qu’il est bien orgueilleux Dieu, lui aussi pourrait aimer ses
ennemis. Sauf que ça ne marche pas comme ça. Dieu est amour, c’est son identité.
Pas d’amour, pas de Dieu, pas de Création.
Vous savez, c’est un peu comme dans le film Retour vers le futur, quand Marty
voyage dans le passé. S’il ne parvient pas à ce que ses parents de rencontre, son lui
du futur disparaîtra. Et tant que ses parents ne sont pas ensemble, il disparaît
progressivement de la photo de lui du futur qu’il a dans la poche.

Là c’est pareil. La création de Dieu est un acte d’amour. Si l’amour de Dieu disparaît
de ce monde parce que nous ne l’y invitons pas, notamment par la prière, alors la
création de Dieu du futur disparaîtra.
Et quand nous voyons à quel point notre monde semble au bord de la destruction, il
y a de quoi nous interroger sur notre manière d’aimer.

Frères et sœurs, il me semble que l’épisode de Sodome nous fait mieux comprendre
le sens de la prière. Prier, quelle qu’en soit la manière, ce n’est pas seulement vivre
ma relation égocentrée avec mon bon Jésus qui m’aime et que j’aime.
La prière s’ouvre toujours au monde, parce qu’elle est la porte d’entrée de l’amour
de Dieu en moi, pour le monde, amour sans lequel le monde ne peut tourner. Prier,
c’est permettre à Dieu de donner son amour au monde et de le mener vers son Salut.
C’est tout le sens de la vie monastique, de ceux qui prient de jour comme de nuit,
pour porter le monde et le mener vers son accomplissement.
Frères et sœurs, notre vie chrétienne n’engage pas seulement notre petite personne,
mais elle engage le monde.
Alors la prochaine fois que vous trainerez les pieds pour venir à la messe ou pour
prendre un temps de prière personnelle, pensez à ça : si vous ne le faites pas pour
vous, faites-le pour les autres, faites le pour le monde, pour continuer de faire vivre
en ce monde ce qui fait que ce monde est : l’amour créateur de Dieu.
Amen

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