25 et 26 juin 2022, Sacré-Cœur et Sainte Jeanne d’Arc de La Rochelle
Chers frères et sœurs,
Saint Paul l’affirme : nous avons été appelés à la liberté !
Et pourtant, Jésus semble entouré de personnes qui ne sont pas libres. Il leur dit :
« suis-moi », et ça ne marche pas. Il y a toujours un truc qui les retient, qui les
empêche de le suivre.
Jacques et Jean sont emprisonnés dans leur colère contre les samaritains et plutôt que
de continuer la route, ils veulent en découdre. Les autres, pleins de bonne volonté,
veulent suivre Jésus, mais ils ont toujours autre chose de plus urgent à faire.
Jésus est entourés d’hommes qui croient être libres, mais au bout du bout, ils
s’aperçoivent qu’ils ne le sont pas.
Et soyons honnêtes : c’est un peu l’image qu’on nous renvoie, à nous chrétiens en
général et aux prêtres en particulier. Nous prêchons la liberté et nous semblons
enfermés dans des préceptes moraux : ça c’est péché, ça c’est mal, ça c’est pas
moral…
Nous serions toujours prêts à dire aux autres comment vivre, quoi faire, comment se
comporter, ce qu’il faut penser, ce qu’il faut croire, non seulement sans le mettre
vraiment en pratique, mais en plus sans respecter la complexité des vies concrètes.
Alors que nous devrions apparaître comme les plus libres des hommes !
Où est le problème ? Quel est le malentendu ?
Saint Paul peut nous aider à répondre à cette question, parce qu’il en connait un rayon
sur le sujet.
Saint Paul était un juif zélé, dont la vie était pleine d’obligations. Il était d’abord
soumis aux nombreuses obligations religieuses. Puis il était soumis aux nombreuses
obligations professionnelles de l’armée romaine. Paul vivait la pression de celui qui
doit tout respecter religieusement et professionnellement sous peine de s’entendre
dire qu’il ne valait rien pour Dieu ou pour l’Empereur.
Combien de fois des chrétiens peuvent se dirent la même chose : si je n’arrive pas à
respecter ceci, si je ne m’améliore pas sur cela, alors je ne vaux rien comme chrétien,
alors Dieu ne m’aimera pas. C’est terrible de penser ça !
Paul lui, comprend que ça ne marche pas comme ça. Il vit une conversion sur le
chemin de Damas. L’évènement est considérable : il reçoit l’amour inconditionnel
de Dieu alors qu’il n’avait rien fait pour mériter ça.
Paul découvre qu’il est aimable et aimé, non selon ses mérites, mais selon sa nature
d’enfant de Dieu. Il est aimé d’un amour inconditionnel par son Père, parce qu’il est
ami du Fils. Il est aimé, non selon ses mérites, mais selon les mérites du Fils.
Voilà un premier élément de réponse : quand on croit que l’Église condamne des
comportements, c’est qu’on pense que l’amour de Dieu est conditionné à une vie
morale parfaite. Mais c’est faux ! Archi-faux ! Dieu ne nous aime pas selon nos
mérites ; il nous aime libres !
C’est ce que Paul expérimente. Il écrit aux Galates : « c’est pour que nous soyons
libres que le Christ nous a libéré ». Paul devient vraiment libre parce qu’il comprend
que le Christ l’a libéré sans attendre un quelconque mérite de sa part. Paul découvre
que la liberté n’est pas la quête d’une perfection, mais l’amitié avec le Christ.
Être chrétien, c’est faire cette expérience : nous sommes libres parce que Jésus nous
a libéré de toute condition préalable à son amour.
Vous comprenez la logique : ce n’est pas parce que j’applique le catéchisme
catholique à la lettre que je suis libre et aimé de Dieu ; c’est parce que je sais que
Dieu m’aime hors de tout mérite de ma part que je suis complètement libéré, et cette
liberté me permet de suivre Jésus qui me dis « suis-moi ». Et cette voie de bonheur,
le catéchisme m’aide à en repérer les bornes.
Parce que Dieu m’aime et a donné sa vie pour moi, alors je ne peux plus vivre comme
si ce n’était pas le cas. Je ne peux pas faire n’importe quoi de ma vie, je ne peux pas
ne pas me respecter, je ne peux pas brader ma vie ni celle des autres. Je ne peux pas
accepter les addictions, les mauvaises manières d’aimer, l’instrumentalisation des
autres, leur misère, etc.
Saint Paul est très lucide ! Il dit clairement ce qui se passe quand on ne vit pas de
cette liberté de Dieu : « vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres,
prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres ». Quand vous voyez à quel
point nous sommes forts, dans l’Église, pour nous critiquer, nous pointer du doigt,
nous accuser de ne pas penser comme il faut, pour bavarder sur les uns ou les autres…
Nous sommes très forts pour tout ça ! Et bien c’est le signe que nous n’accueillons
pas la liberté que Dieu nous offre et qu’on a encore tous bien du travail en matière
spirituelle.
Je ne dis pas que c’est facile ! C’est souvent l’exercice de toute une vie ! On trébuche,
on se relève, un pas en arrière, trois pas en avant…
Regardez comment Jésus fait dans l’Évangile. Ces hommes veulent le suivre mais
n’y parviennent pas. Ils ne sont pas encore assez libres. Jésus ne leur met pas la
pression ! Il les laisse repartir. Pour le moment ils ne peuvent pas, ils ne parviennent
pas à briser leurs chaînes. Mais quand ils parviendront à se libérer des contraintes
qu’ils se mettent eux-mêmes, alors ils seront vraiment heureux, alors ils seront libres
pour suivre le Christ et aimer comme lui.
Pour nous libérer de nos propres contraintes, de nos chaînes qui nous empêchent de
vraiment répondre au Christ qui nous dit « suis-moi », il n’y a pas 36 solutions : vivre
résolument une vie spirituelle sérieuse.
C’est seulement dans l’amitié profonde avec Jésus, dans la vie quotidienne avec
l’Esprit, dans le dialogue permanent avec le Père, que nous sommes rendus capables
de voir ce qui est bon et de nous libérer de ce qui nous retient.
L’Eucharistie, la confession, la Parole de Dieu, l’oraison, la contemplation, ce ne
sont pas des contraintes pour cathos ! C’est ce qui nous ouvre à une intimité avec
Dieu et à une vie libre. Plus nous serons proches de lui et capables de recevoir sa
miséricorde, plus nous pourrons répondre librement quand il nous dira : « suis-moi ».
Amen
Père Louis Chasseriau