Chers frères et sœurs,
Vous souvenez-vous que la semaine dernière, nous avons entendu les mots les plus
anciens du Nouveau Testament ? C’était le début de la lettre de saint Paul aux
Thessaloniciens. Ces premiers mots écrits de l’histoire chrétienne disaient la beauté
d’une communauté qui vivait la foi, l’espérance et la charité.
Aujourd’hui, nous avons entendu la suite de cette lettre. Et là nous comprenons que
la petite Église de Thessalonique a encore plus de mérite que nous ne l’imaginions !
Parce que cette foi vive, cette charité qui se donne de la peine et cette espérance qui
tient bon, sont pratiqués dans un contexte difficile ; Paul dit : « au milieu de bien des
épreuves ». Comprenez que cette communauté chrétienne vit sa foi au milieu des
persécutions.
Ces hommes et ces femmes sont persécutés, et pourtant, cela ne les empêche pas de
croire, de vivre, de recevoir l’Évangile que Paul leur a annoncé, comme une bonne
nouvelle. Cette annonce a changé leur vie. Ils se sont « convertis à Dieu » écrit Paul.
Littéralement, ils se sont tournés vers Dieu.
Et là, frères et sœurs, nous tenons quelque chose de très intéressant. Dans cette phrase
qu’écrit Paul : « vous vous êtes convertis à Dieu », on retrouve, en grec, la même
préposition que Jean utilise dans le prologue de son Évangile, quand il dit que le
Verbe était auprès de Dieu. Pour les exégètes, il y a une vraie similitude entre les
phrases « vous vous êtes convertis à Dieu » et « le Verbe était auprès de Dieu ».
Dit autrement, quand Paul écrit que les chrétiens de Thessalonique se sont convertis,
il veut dire qu’ils vivent auprès du Père comme le Fils. Il ne dit pas qu’ils ont cru à
une nouvelle doctrine ou à une nouvelle philosophie. Pour Paul, nous convertir, c’est
non seulement entrer dans une relation avec le Père, mais une relation semblable à
celle que Jésus a lui-même avec le Père.
Prenons le temps de goûter ça, parce que ce n’est vraiment pas rien. Nous convertir,
nous y sommes invités chaque matin que Dieu fait.
Cette conversion, ce n’est donc pas une affaire seulement intellectuelle : je me
convertis parce que je suis d’accord avec le Credo.
Ce n’est pas non plus seulement une affaire de cœur : je me convertis parce que je
mets ma foi dans la foi de l’Église.
Se convertir, c’est aussi et d’abord un mouvement, c’est avancer vers le Père, vous
savez, comme le fils prodigue à son retour. Se convertir, c’est avancer vers le Père
qui nous attend les bras grands ouverts, pour demeurer enfin auprès de lui, avec lui,
pour demeurer dans cette intimité à chaque instant. Se convertir, c’est apprendre à
demeurer.
Voilà la bonne nouvelle : pauvres humains que nous sommes, nous sommes images
de Dieu et capables de la même intimité avec le Père que le Fils lui-même. C’est
quand même quelque chose de vertigineux, non ? Dieu nous invite à entrer et à
demeurer dans l’amour trinitaire.
Et nous comprenons alors mieux l’Évangile et ce grand commandement de l’amour.
Soyons honnêtes, cette expression de « commandement de l’amour » peut assez mal
sonner à nos oreilles. On ne peut pas nous commander d’aimer. On n’est jamais
obligé d’aimer.
Ce que Dieu nous demande, en fait, c’est d’abord la conversion, demeurer avec le
Père, et ensuite, par conséquent, aimer comme le fils a aimé. On ne peut pas aimer
comme il nous le demande si nous ne demeurons pas d’abord avec lui comme fils.
Nous comprenons donc bien que Jésus ne parle pas là d’un amour sentimental. Dieu
ne nous demande pas d’avoir des étoiles dans les yeux à chaque fois qu’on croise
notre prochain dans la rue ! Il n’est pas d’abord affaire de sentiments. Il est question
d’un amour divin, filial, que l’on reçoit quand nous demeurons avec le Père, et qui
devient fraternel quand nous le redonnons à notre prochain comme enfants de Dieu.
Frères et sœurs, tout ceci est précisément la grâce du baptême. Comme dit saint Jean
encore dans son Prologue : « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de
devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12). Recevoir le baptême, c’est devenir enfant de
Dieu, recevoir cette grâce qui est capacité d’aimer comme lui aime, à la condition de
demeurer auprès de lui comme fils.
(Cette grâce du baptême, Louise va maintenant la recevoir). Amen