7 janvier 2024, Cathédrale Saint-Louis La Rochelle.
Je vais commencer en posant une question aux enfants. Si on devait vous mettre dans
la crèche, quel personnage joueriez-vous ? Ou sur quel personnage pourrions-nous
mettre un masque avec votre visage ?
Sur les mages ! Ces hommes qui apportent des cadeaux à Jésus, qui viennent du
monde entier, c’est nous.
Parce qu’à Noël, Jésus est né dans une famille, mais ce n’était pas notre famille,
c’était la famille de Marie et Joseph.
Jésus est venu pour être accueilli et annoncé par tout un peuple, mais ce n’est pas
non plus notre peuple. C’était le peuple hébreu. Nous, nous sommes français, nous
faisons partie de ces peuples a qui la venue de Dieu dans ce monde a été annoncée
bien plus tard.
Pourtant, si Jésus est bien venu dans un peuple, il est venu pour tous les hommes, de
toutes les cultures, de tous les continents, y compris les Français. Donc nous, nous
sommes ces mages, ces hommes et ces femmes venus d’ailleurs.
C’est pour ça que dans des pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Argentine, les
enfants reçoivent des cadeaux à l’Épiphanie et pas le 25 décembre. Dans la crèche,
nous sommes donc les Mages.
Et entre nous, tant mieux, parce que quand nous lisons l’Évangile nous voyons que
ce sont eux les plus heureux. Vous avez remarqué les deux réactions opposées ?
D’un côté, il y a le camp d’Hérode. Lui il a peur, il se sent menacé. Pourquoi ?
Hérode connaissait bien toutes les prophéties qui annonçaient que le Messie viendrait
avec un phénomène cosmique, un astre, une lumière. Quand les mages arrivent
d’Orient, guidés par l’astre, il aurait pu se précipiter à Bethléem avec eux pour
accueillir le Messie. Bethléem n’est qu’à 2h à pied de Jérusalem…
Mais non, Hérode a peur. L’Évangile dit qu’il est « bouleversé, et tout Jérusalem
avec lui ». Il a peur de cet enfant. Peur qu’il prenne son pouvoir.
Et en face il y a les mages. Ce sont des prêtres savants qui savent lire le ciel et les
astres. Et ils sont importants : regardez les cadeaux précieux qu’ils amènent.
Autrement dit, ces hommes ont tout ce qu’il faut : une situation, une reconnaissance,
des richesses. Ils n’ont pas besoin de Jésus. A priori ils n’ont rien à attendre.
Et pourtant quand ils voient l’étoile, ils sont dans la joie, ils prennent leurs chameaux
et viennent se prosterner et offrir des cadeaux. Ils sont heureux.
Et nous, aujourd’hui, dans quel côté serons-nous ? Dans celui de ceux qui croient
tout savoir qui restent chez eux et finalement vivent dans la peur ? Ou bien du côté
de ceux qui savent beaucoup de choses mais se réjouissent, se laissent déplacer par
la joie ?
Dans l’histoire, et encore aujourd’hui, ça a toujours été comme ça avec le
christianisme. Il y a ceux qui s’en méfient, qui voient d’un mauvais œil cette histoire
d’un Dieu qui aime tous les hommes et des conséquences que cela comporte. Et il y
a ceux qui parviennent à s’en réjouir et à laisser leur vie en être transformée. Mais
ne soyons pas naïfs, même chez les chrétiens on trouve cela : certains ont la foi mais
une foi immobile, qui choisissent les valeurs du christianisme, une certaine culture,
mais pour mieux s’installer, se conforter, certainement pas pour se laisser déplacer.
Si nous voulons être heureux comme les mages, je vous propose une chose, c’est de
les imiter, de nous laisser déplacer comme eux. L’Évangile nous dit qu’ils :
1/ se réjouissent, 2/ entrent, 3/ se prosternent, 4/ offrent, 5/ et regagnent leur pays.
C’est exactement ce que nous avons à vivre, en particulier chaque dimanche matin.
Nous nous réveillons, c’est dimanche, et une étoile (ou des cloches) nous guide
jusqu’à Jésus qui vient nous rejoindre. Alors nous nous réjouissons (1). Le dimanche
matin, levons-nous heureux comme des mages !
Puis nous prenons le chameau (ou la voiture), jusqu’à l’église et nous entrons (2).
Dans cette Église, au milieu du peuple de Dieu, nous rencontrons le Christ et nous
nous prosternons devant lui (3). Puis nous lui offrons notre vie (4). Enfin, comme les
mages, nous repartons par un autre chemin, le chemin d’une vie nouvelle, une vie
renouvelée par Dieu.
Chers amis, nous sommes les mages. Le mouvement que les mages nous montrent
est le mouvement de la vie chrétienne. Être chrétien s’est se laisser bouger par la joie.
Puis c’est entrer en relation avec le Christ et découvrir que cette joie est une personne
qui m’aime tel que je suis. Cette joie c’est Dieu qui se manifeste. C’est d’ailleurs le
sens du mot Épiphanie : έπιφάνεια, la manifestation. Cette joie, c’est Dieu qui se
manifeste, qui s’offre.
En réponse, nous nous prosternons. Ce n’est pas un rabaissement… c’est une
offrande en retour. Nous sommes peu de choses, mais ce que nous sommes, nous lui
offrons aussi, par amour. Il nous offre sa vie, nous lui offrons la nôtre. Et lui
l’accueille et la fait grandir.
Demain, nous fêterons le baptême du Seigneur et le temps de Noël s’achèvera. Cela
ne doit pas être la fin d’un beau rêve, la fin des lumières et des décorations. Cela doit
être le renouvellement d’une vie heureuse, une vie chrétienne. Désormais, il nous
faut nous réjouir, nous mettre en chemin et ne pas cesser de nous offrir comme lui
s’offre dans l’Eucharistie. C’est le chemin de la joie.
Amen