HOMÉLIE
8 et 9 janvier 2022, Sacré-Coeur et Sainte Jeanne d’Arc, La Rochelle.
Chers frères et sœurs,
Nous arrivons au terme de ce marathon liturgique ! Le baptême du Seigneur est la
dernière fête du temps de Noël. Demain, nous retrouverons le temps ordinaire.
Nous avons quitté Jésus enfant la semaine dernière, visité par les mages, et le voici
adulte, dans les eaux du Jourdain, pour son baptême.
Jésus est baptisé ! La première question que poserait un enfant assidu au catéchisme
serait : mais, pourquoi baptiser Jésus ? N’était-il pas fils de Dieu avant ?
Ce sur quoi la catéchiste répondrait à l’enfant mais ouvrirait la porte à une escadrille
de questions qui s’en suivraient immanquablement :
Si Jésus a besoin de recevoir l’Esprit Saint, cela signifie-t-il qu’il ne devient Fils de
Dieu qu’au baptême ? Le baptême de Jean-Baptiste est-il le même que celui que nous
célébrons ? Si le baptême est donné pour la rémission des péchés, cela signifie-t-il
que Jésus était pécheur avant d’être baptisé ?
Pour être claire et efficace, la catéchiste pourrait alors répondre de manière simpliste
et provocante, mais juste : le baptême de Jésus ne lui sert à rien !
Jésus est Dieu. Dès le départ. Il n’a besoin de rien qu’il n’ait déjà. Pour le dire
autrement : le baptême de Jésus ne lui donne rien de plus. Jésus, en tant qu’il est
Dieu, consubstantiel au Père, n’a besoin de rien de plus que le Père aurait encore à
lui donner. Le Père n’a rien retenu du Fils au moment de l’Incarnation.
Qui plus est, le baptême de Jean-Baptiste que Jésus reçoit est un baptême de repentir,
de purification. C’est un baptême qui cherchait à surmonter la division entre
l’homme et Dieu. Or Jésus est Dieu ; il n’y a pas de péché en lui. Il n’a pas besoin de
ce baptême de conversion.
Alors pourquoi Jésus se retrouve dans le Jourdain ?
Quand Jésus se présente à Jean pour recevoir le baptême, c’est pour que Dieu, Père,
Fils et Esprit Saint se manifeste aux hommes. De sorte que le baptême de Jésus ne
lui est pas utile à lui, mais à nous.
Les choses s’éclaircissent si nous reprenons ce que nous avons célébré, dans l’ordre.
Nous avons fêté l’incarnation, la venue de Jésus dans notre histoire. Ce Jésus a été
annoncé comme le Sauveur ; mais il n’est pas qu’un sauveur. Il a été annoncé comme
le roi d’Israël ; mais il n’est pas que le Roi d’Israël.
À l’Épiphanie, nous l’avons célébré comme Messie pour tous les hommes ; mais il
n’est pas que le Messie pour tous les hommes.
Par ce baptême dans les eaux du Jourdain, Dieu manifeste l’identité du Fils, il
manifeste que Jésus est celui qu’il a engendré comme son Fils bien-aimé, égal à lui-
même, Dieu, né de Dieu.
Et cette identité, qui demeurait depuis 30 ans dans le secret de la sainte famille de
Nazareth, est alors manifestée au monde : le ciel s’ouvrit, Dieu – Esprit Saint
descendit, et Dieu – le Père dit : « tu es mon Fils ».
Le baptême de Jésus, c’est la manifestation de Dieu trinitaire au monde. C’est ce qui
nous dit l’identité du Fils en nous disant l’identité de Dieu.
Ils ne sont pas si nombreux les évènements de la vie du Christ relatés par les 4
évangélistes. Et le baptême en fait partie. C’est dire que cet épisode de la vie de Jésus
est fondamental. Parce que c’est à ce moment-là que ceux qui entourent Jésus vont
comprendre sa véritable identité.
Pour nous c’est facile, on regarde l’histoire en en connaissant la fin. Mais eux, ces
juifs du 1e siècle, ils découvrent petit à petit, ils comprennent progressivement, de la
crèche au crucifiement. Et pour eux, le baptême est le moment où Jésus rend son
identité de Fils de Dieu visible, perceptible.
Bien sûr qu’avant, Jésus, lui, se savait Fils de Dieu. Souvenez-vous de l’Évangile de
la Sainte Famille : quand Jésus est retrouvé au Temple de Jérusalem, à 12 ans, il dit
à ses parents : « ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? ».
Mais ce baptême dans les eaux du Jourdain est un acte public, Dieu trinitaire se
manifeste à tous, plus seulement à la Sainte Famille, pour dire l’identité du Fils.
Alors pour nous, ce n’est peut-être pas bouleversant, on est déjà au courant, depuis
notre catéchisme. Soit. Mais si on regarde bien l’Évangile, saint Luc prend le soin de
glisser deux-trois choses intéressantes en ce qui concerne notre identité de Fils de
Dieu. L’identité de Fils de Jésus nous révèle notre propre identité.
Être fils de Dieu, c’est d’abord être un priant. Jésus prie son Père. « Comme tout le
peuple se faisait baptiser et (…) après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait ».
Être fils, c’est être en communion avec le Père par la prière. Se tenir devant Dieu,
toujours, à sa disposition, prêt à faire sa volonté, voilà une attitude de Fils. Voilà une
première caractéristique de la vie des baptisés que nous sommes.
Être fils, c’est aussi abolir chaque jour la frontière entre la terre et le ciel. « Le ciel
s’ouvrit » écrit saint Luc. Le ciel, cette frontière entre le monde de Dieu et le monde
des hommes, s’ouvre. Et l’Esprit se manifeste, et la voix du Père se fait entendre. Le
Fils supprime la frontière entre l’humain et le divin. Il nous révèle que pour nous
aussi, pour nous qui avons reçu l’Esprit Saint au jour de notre baptême, le ciel s’est
ouvert. Et si nous prenons le soin d’entrer en nous-mêmes, de nous redécouvrir
images de Dieu emplis de l’Esprit Saint, alors nous pouvons déjà vivre de cette vie
divine. En notre cœur de baptisés, le ciel et la terre sont déjà unis.
Frères et sœurs, que le baptême du Seigneur nous fasse redécouvrir notre condition
d’enfants de Dieu, habités par l’Esprit descendu du ciel. Aujourd’hui, rappelons-nous
qu’à nous aussi, depuis le jour de notre baptême, Dieu le Père dit : « Toi, tu es mon
fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».
Amen
Par le père Louis Chasseriau