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Christ Sauveur

Homélie 29 et 30 janvier 2022 Sacré-Cœur et Sainte Jeanne d’Arc

Chers frères et sœurs,
Nous sommes venus à la messe aujourd’hui pour nous faire traiter de gamins par
saint Paul. C’est agréable… mais vous remarquerez, saint Paul prend rarement des
gants quand il a quelque chose à dire. Saint Paul était un missionnaire, pas un
diplomate. Les Galates s’en rappellent.
Pour saint Paul, nous sommes donc des enfants, mais des enfants célestes !
Dans notre vie terrestre, nous sommes enfants avant de devenir adultes. Et une fois
adultes, on s’aperçoit qu’on a bien évolué depuis l’enfance. Enfin, plus ou moins…
en ce qui me concerne, il y a des points sur lesquels je n’ai pas l’impression d’avoir
beaucoup évolué. Mais d’une manière générale, on peut dire qu’une fois adulte, on
n’est plus enfant. On ne parle plus comme un enfant, on ne pense plus comme un
enfant. Et surtout, dans le rapport au réel, notre connaissance n’est plus la même. On
analyse plus le réel de la même manière.
Et bien saint Paul nous explique que ce qui est vrai pour notre vie terrestre l’est aussi
pour notre vie céleste, pour la vie éternelle. Sauf que l’enfance de notre vie éternelle,
nous la vivons en ce moment même, sur cette terre, et l’âge adulte ce sera pour plus
tard.
Tous autant que nous sommes, que nous ayons 20, 40 ou 95 ans, nous ne sommes
que des gamins pour Dieu. C’est une bonne nouvelle, non ? 95 ans et encore jeunes !
Nous ne serons adultes qu’à partir du moment où nous connaîtrons comme Dieu.
Paul nous montre la vie éternelle à partir de la connaissance. « La connaissance
actuelle sera dépassée ». Pour l’instant, la connaissance que nous avons des réalités
du monde n’est qu’une connaissance d’enfant, des enfants qui comprennent des
choses, mais qui n’ont pas encore toutes les pièces du puzzle.
Pour l’instant, du point de la vie éternelle, de la vie divine, nous ne parlons que
comme des enfants, nous ne pensons que comme des enfants, et surtout, nous ne
connaissons que comme des enfants. « Nous voyons actuellement de manière
confuse » dit saint Paul. C’est fondamental, parce que cette conscience doit fonder
une véritable humilité en nous.

Si on voulait durcir le trait, on pourrait dire que quand on était dans le ventre de notre
mère, on entendait des choses de ce qui se passait en dehors, des voix, des musiques.
Mais nous n’imaginions absolument pas ce qu’il y avait au-delà des frontières de
notre petit monde. Et à la naissance, un univers à la fois familier et totalement
nouveau s’est offert à nous. Les voix de nos parents étaient là pour nous rassurer.
Mais pour tout le reste, c’était un nouveau monde.
Et bien la résurrection sera quelque chose de comparable. Nous n’imaginons pas très
bien ce qu’il y a au-delà. Mais à la résurrection, un univers à la fois familier et
totalement nouveau s’offrira à nous.
Paul regarde le verre à moitié vide, mais on peut voir le verre à moitié plein ! Nous
n’avons qu’une connaissance confuse de la réalité, cela veut dire que nous en avons
une connaissance quand même. Jésus dit bien aux Nazaréens qu’avec lui, nous
vivons déjà un accomplissement. Quand nous regardons le Christ, nous voyons le
Royaume. Le Royaume de Dieu est proche !
Notre connaissance du ciel est déjà réelle, pour une bonne raison, c’est que nous en
possédons déjà trois essentiels : la foi, l’espérance et la charité, trois choses qui ne
passeront pas, parce qu’elles sont de Dieu et pour Dieu. La foi, l’espérance et la
charité sont en cette vie des éléments solides du Royaume que nous possédons déjà.
Comme un enfant a déjà en lui des choses qui se déploieront à l’âge adulte.

Comme jeune prêtre (moins de 3 ans, c’est encore jeune…) une des choses les plus
éprouvants pour moi, c’est de parler avec des personnes qui savent qu’elles vont
bientôt mourir et qui sont jeunes. Ça m’est arrivé encore cette semaine. Et ces
personnes que je rencontre ne partagent pas toujours la foi chrétienne. Mais
rencontrer un prêtre dans ces moments-là, même quand on n’est pas catho, ça se fait.
Et la question arrive toujours : vous croyez qu’il y a quoi après ?
Cette question, je la reçois comme prêtre, mais nous tous, chrétiens, nous pouvons
nous trouver dans cette situation et être interrogés. Vous croyez qu’il y a quoi après ?
Vous comprenez bien, il ne s’agit pas de balancer une réponse de théologien. La
réponse théologique, elle existe. Mais quand on vous pose cette question, ce n’est
plus le moment de réciter saint Thomas d’Aquin.
Que pouvons-nous dire ? Que diriez-vous ?

Les lectures de ce jour nous aide à poser des mots : si nous ne voyons pour le moment
que de manière confuse, au jour de la résurrection nous verrons Dieu face à face et,
comme écrit saint Jean, nous lui serons semblable parce que nous le verrons tel qu’il
est. Ressusciter, c’est devenir semblable à Dieu. Alors nous connaîtrons. Nous serons
des adultes célestes ! Nous connaîtrons Dieu, car c’est cela, la vie éternelle, c’est
connaître Dieu dans un face à face, dans une relation.
Mais nous connaîtrons aussi comme Dieu. Il dit à Jérémie : « avant même de te
façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ». Dieu nous connaissait avant
même de nous façonner dans le sein de notre mère… Dieu connaît toute chose. Et
nous, nous entrerons dans cette connaissance de la réalité des choses, du sens de notre
existence, de notre vie, du monde, de la Création, sens que nous ne percevons
aujourd’hui que de manière imparfaite.
Frères et sœurs, les lectures d’aujourd’hui nous aident, je crois, à nous préparer à ce
face à face avec Dieu.
Une dernière chose reste à dire. Tout ce que je dis là n’a rien d’automatique. Si on
regarde les Nazaréens de l’Évangile, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce
n’est pas si simple de reconnaître Dieu quand il se présente. Non seulement les
Nazaréens ne l’ont pas reconnu mais ils ont voulu le balancer par-dessus la falaise.
Dieu ne s’impose pas. Jamais. Sa vie éternelle, il n’y a aucune raison de penser qu’il
nous l’imposera, ni qu’elle s’imposera d’elle-même. Jésus est très clair sur le sujet.
Personne ne sera contraint : ni Dieu de nous accueillir, ni nous d’y consentir. Et nous
ne serons capables d’y consentir que dans la mesure où nous serons familiers de ce
que nous en possédons déjà : la foi, l’espérance et la charité.
La plus grande des trois, dit saint Paul, c’est la charité, cet amour de Dieu, amour
parfait, qu’il nous offre dans son Eucharistie.
Amen

Père Louis Chasseriau

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