Halte spirituelle de carême
Au seuil de ce carême, en communion avec toute l’Eglise et particulièrement l’église diocésaine, qui vit
cette démarche synodale missionnaire, nous entrons dans cette journée spirituelle et fraternelle pour
nous mettre à nouveau en présence du Christ.
Le thème de notre halte spirituelle est le suivant :
« Lumière intérieure, lumière pour le monde »
En effet cette même lumière (il est la Lumière) est toute intérieure et pour les autres. La lumière du
Christ, reçue au baptême, est donnée pour illuminer toute notre existence.
Oui regardons le Christ : dans les évangiles, il s’est révélé comme lumière, par ses actes et ses paroles.
Les guérisons d’aveugles ont ici une signification toute particulière, comme le rapporte l’épisode de
l’aveugle-né.
Jésus déclare alors :
« Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jn 9,5)
« Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12)
Un mystère, le Verbe de Dieu fait chair illumine tout homme.
Et il va être confronté aux ténèbres, qui culminent lors de la sortie de Judas du Cénacle pour livrer le
Christ et St Jean de préciser : « Il faisait nuit ».
Et de manière définitive le Christ est la Lumière parce que sa mort et sa résurrection attestent que la vie
est plus forte que la mort.
Oui repensons ici à l’affirmation de St Paul (2Co 4,6) Dieu, qui a dit : «Du milieu des ténèbres brillera la
lumière », a lui même brillé dans nos coeurs, pour faire resplendir la connaissance de sa gloire, qui
rayonne sur le visage du Christ.
Oui Dieu est Lumière, rayonnant sur le visage du Christ. Il éclaire notre vie.
Que signifie cette phrase, pour nous, en pensant à notre vie de foi?
– de quelle manière le Christ est la vraie Lumière pour nous?
– à quelles occasions avons-nous fait cette expérience? Celle du Christ qui nous éclaire
intérieurement sur le Seigneur, sur ce que nous sommes, sur ce que nous vivons?
– car le Christ est vraiment cette lumière intérieure qui, en nous, chasse les obscurités du péché,
– car le Christ est ce feu intérieur, qui repousse toute tiédeur (dans le repli, le juste ce qu’il faut …)
– car le Christ est cette lueur de grâce qui, au devant de nous, précède notre marche, éclairant
les contours de notre route,
– car le Christ est cette lampe qui réchauffe la peur et la froideur, cette lampe qui réjouit en
écartant la langueur et la tristesse.
Oui vraiment, qu’est-ce qui est lumineux dans notre expérience de foi? Et comment laissons-nous le
Christ éclairer, irradier de sa lumière, notre vie?
Il est en effet essentiel de faire mémoire de ces « moments lumineux » de notre vie avec le Christ
comme autant de points d’appui, de repères, pour avancer ou nous relancer à sa suite.
Faire mémoire de ces moments lumineux :
– non pas en restant seulement au ressenti, aux impressions : « cette retraite, cette célébration,
ce rassemblement, c’était bien, on était bien ensemble, etc … », car le Christ est lumière en nous, aussi,
durant les nuits du doute, des remises en cause, où là encore le Seigneur travaille en profondeur si nous
lui offrons notre présence intérieure;
– faire mémoire en découvrant ce que le Seigneur nous a révélé de lui-même; un aspect de son
mystère que nous n’avions pas encore perçu, un appel nouveau qu’il nous adresse, sa présence dans le
silence de la prière.
Oui le Christ est la Vraie Lumière, pour nous cette lumière intérieure.
C’est lui qui nous a illuminés au jour où nous avons été plongés dans le mystère de sa mort et de sa
résurrection, nous faisant entrer dans cette vie nouvelle, unis au Seigneur qui est Amour de don et de
communion.
Je veux parler du jour de notre baptême, où cette parole a été prononcée à notre intention, elle nous
était adressée :
« Dans le Christ, tu es devenu lumière. Avance dans la vie en enfant de lumière. Demeure fidèle à la foi
de ton baptême. Ainsi quand le Seigneur viendra, tu pourras aller à sa rencontre, dans son Royaume
avec tous les saints du ciel ».
Vous l’avez entendue cette phrase formidable ? … mais en même temps nous sentons combien elle est
pour nous redoutable.
Tu es devenu lumière, tu es lumière .
Précisément par pure grâce, dans le Christ, nous sommes devenus lumière (Ephésiens 5,8)
Accueillant le Christ, la lumière dans notre vie, à l’intime de nous-mêmes, dans l’humilité de celui qui
reçoit, qui contemple et rend grâce, alors cette lumière rayonne, elle est portée par notre vie.
Nous ne sommes pas la Lumière (cela est clair) nous ne possédons pas la lumière/posséder une
flamme, enfermer un feu, c’est impossible.
Mais elle rayonne, transparaît à travers nous. Même si nos vases d’argile, qui portent ce trésor de
lumière sont bien fissurés par nos péchés, la lumière du Christ, cette fois celle de son pardon à notre
égard, brillera encore.
Vous l’avez compris, notre vocation baptismale est d’être les porteurs de cette lumière,
– non pas des militants, propageant le message du groupe
– non pas des chrétiens qui font des activités, ont telles ou telles responsabilités dans l’Eglise
– non pas des chrétiens qui, pensant ainsi se rapprocher des autres, prônent uniquement
quelques valeurs humaines, partagées par le plus grand nombre.
Notre témoignage à rendre au Christ est d’abord de l’ordre d’un rayonnement.
Avant même de dire et de faire, pour témoigner il s’agit d’être :
– être habité, unifié, animé intérieurement par le Christ
– être présent au Seigneur.
Tout ce que nous vivons avec le Seigneur dans notre vie de prière personnelle, la célébration des
sacrements, la fréquentation de la Parole de Dieu, la charité en action nourrissent notre union au
Seigneur,
alors se manifestent, rayonnent une assurance, une audace, une profondeur, une charité
attentive, dans notre vie, dans notre présence aux autres,
et nous partageons alors un peu du regard du Christ, saisi de compassion devant ces gens qui
étaient comme des brebis sans berger (Mc 6,34). Nous devenons concernés, et bien plus, nous sommes
touchés intérieurement devant cette foule à nos portes qui ici ignore le Christ.
En accueillant de plus en plus ce Christ, splendide lumière intérieure, qui nous illumine et nous
transforme, cette lumière transparait, rayonne par une spontanéité, pleine de fraicheur et de simplicité,
pour nommer le Christ, la lumière, auprès de ceux que nous rencontrons
– et l’inventivité est présente pour lancer toutes sortes d’initiatives, pour que rayonne plus loin
encore, cet AMOUR du Christ qui nous brûle comme un feu prêt à se répandre, à se communiquer
– alors se manifeste et rayonne aussi une étonnante et belle fraternité. Laisser la lumière du
Christ gagner notre coeur, c’est illuminer notre regard, qui découvre en l’autre baptisé, un frère et une
soeur.
« On est missionnaire avant tout par ce que l’on est, en tant que membre de l’Eglise qui vit
profondément l’unité dans l’amour avant de l’être par ce que l’on dit ou ce que l’on fait » Jean-Paul II La
mission du Christ Rédempteur n° 23
Vivre entre nous cette unité dans l’amour, ainsi rayonne cette communion entre le Père et le Fils dans
l’Esprit.
Oui, la vie fraternelle des chrétiens en un lieu, en une paroisse, quel beau rayon de cette lumière du
Christ qui nous habite.
Ecoutons aussi à ce sujet l’appel plus que jamais actuel du Pape François :
« En plusieurs pays ressurgissent des conflits et de vieilles divisions que l’on croyait en partie dépassés.
Je désire demander spécialement aux chrétiens de toutes les communautés du monde un témoignage
de communion fraternelle qui devienne attrayant et lumineux. Que tous puissent admirer comment vous
prenez soin les uns des autres, comment vous vous encouragez mutuellement et comment vous vous
accompagnez : «A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns
pour les autres » (Jn 13,35)
Si nos contemporains voient le témoignage de communautés authentiquement fraternelles et
réconciliées, cela est toujours une lumière qui attire. » (La Joie de l’Evangile n°99)
Au début du XXème siècle un grand spirituel, Dom Jean-Baptiste Chautard affirmait dans un style carré
et direct :
« Un prêtre vaut ce que vaut sa prière ». « J’ai compris que si je ne vis pas spécialement de Jésus,
je ne suis pas un prêtre selon son coeur. Prêtre, je dois vivre dans l’intimité de Jésus. Il l’attend de moi :
« Je ne vous appelle plus mes serviteurs, mais mes amis » (Jean 15,15) » L’Ame de tout apostolat p.
231
Cela est vrai aussi pour tout chrétien. C’est en nous exposant à la lumière de l’Amour du Christ (dans la
prière personnelle, l’adoration, l’eucharistie) que notre vie devient peu à peu rayonnement de cette
lumière.
Ecoutons cette fois saint Jean-Paul II qui redit cela à sa manière :
« Le missionnaire est un contemplatif en action. S’il n’est pas un contemplatif, il ne peut annoncer le
Christ d’une manière crédible. Le missionnaire est témoin de l’expérience de Dieu et doit pouvoir dire
comme les apôtres : « Ce que nous avons contemplé, le Verbe de Vie, nous vous l’annonçons » (1Jn, 1
à 3) La Mission du Christ Rédempteur n° 91)
Finalement, toutes ces choses étant dites nous constatons une dimension à laquelle nous n’avions peut-
être pas trop pensé. Nous pouvions penser … mon Jésus et moi … celui que je prie… Je suis croyant,
c’est personnel … celui à qui je m’unis en communiant à la messe – j’ai ma messe …
Non, notre vie chrétienne n’est pas pour nous-même.
En effet, rappelons-le : à notre baptême, nous sommes devenus lumière.
La lumière n’est pas là pour elle-même, mais pour éclairer, guider.
La vocation de chacun, selon son charisme consiste à prodiguer quelque chose à d’autres, et avant tout
: porter le Christ, rayonner le Christ.
Alors en guise de conclusion, ou plutôt d’envoi, écoutons ce bel appel du pape Benoît XVI ; il s’adressait
à des jeunes en Allemagne en 2011 :
« Une bougie peut donner de la lumière seulement si elle se laisse consumer par la flamme. Elle
demeurerait inutile si sa cire n’alimentait pas le feu. Permettez que le Christ vous brûle, même si cela
peut parfois signifier sacrifice et renoncement. Ne craignez pas de pouvoir perdre quelque chose et de
rester à la fin, pour ainsi dire, les mains vides. Ayez le courage de mettre vos talents et vos qualités au
service du Règne de Dieu et de vous donner vous-mêmes – comme la cire de la bougie – afin que par
vous le Seigneur illumine l’obscurité. Sachez oser devenir des saints ardents, dans les yeux et dans les
coeurs desquels brille l’amour du Christ, et qui, de cette manière portent la lumière du monde. »
Père Bertrand Monnard
Halte spirituelle de carême – 5 mars 2022