HOMÉLIE
4 et 5 décembre 2021, Sacré-Cœur et Sainte-Jeanne-d’Arc de La Rochelle par le père Louis Chasseriau
Chers frères et sœurs,
J’aime bien saint Luc parce que c’est un historien. Et ça se sent dans son Évangile :
il veut nous convaincre que ce qu’il raconte a vraiment eu lieu dans l’histoire. Et il
date précisément les évènements :
« L’an quinze du règne de l’empereur Tibère,
Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée,
Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, etc »
Comme si on écrivait : « L’an cinq de la présidence Macron, Alain Rousset étant
président de la Nouvelle-Aquitaine et Mgr Colomb évêque de La Rochelle… »
Et bien c’est à ce moment précis de l’histoire, sous Tibère, pas sous Macron, que :
« la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. »
À ce moment précis de l’histoire Dieu a adressé cette parole à son prophète :
« Préparez le chemin du Seigneur… tout ravin sera comblé, toute montagne sera
abaissée ». Ce n’est pas la première fois que Dieu parle ! Cette parole, il l’a déjà
adressée au prophète Isaïe, et à Baruc aussi, comme nous l’avons entendu en 1e
lecture.
De tout temps Dieu a parlé à l’homme et l’homme a cherché à rejoindre Dieu.
L’homme a toujours voulu construire des ponts entre la terre et le ciel. Sans cesse,
l’humanité a cherché la voie qui le mènerait au sens de son existence.
Mais sur ce chemin existentiel se sont toujours présentées des vallées difficiles à
franchir, des montagnes impossibles à grimper, de sorte que, l’homme ne parvenant
pas à monter vers Dieu, il fallait bien que ce soit Dieu qui descende vers l’homme. Il
fallait que Dieu abaisse ces montagnes, comble ces ravins pour venir jusqu’à nous.
Ces prophéties ont trouvé leur accomplissement en Jésus-Christ : « je suis le
chemin » a-t-il dit. Autrement dit, vous n’avez plus à vous épuisez à vouloir
construire des ponts entre la terre et le ciel puisque je suis le chemin. Je suis ce pont
que vous avez toujours voulu bâtir. Suivez-moi et je vous mènerai au Père, et vous
connaîtrez le sens de votre vie, et vous connaîtrez votre origine, une origine d’amour.
Ce cheminement existentiel qu’a parcouru l’humanité, nous avons tous à le parcourir
dans notre propre vie. Expérimenter que nous n’avons certes pas la force de franchir
les ravins et grimper les montagnes, mais que lui nous rejoint. Nous, nous devons
apprendre à l’écouter, à l’accueillir, à lui laisser la place en nous.
L’Avent c’est cette période où nous pouvons disposer notre cœur à accueillir la
Parole de Dieu, le Verbe qui vient. Faire de notre cœur une mangeoire prête à
accueillir le Jésus.
Vous l’avez compris, au début de ce cheminement, il y a Dieu qui nous parle.
Dieu nous parle : dans sa Création, par les prophètes, par Jean-Baptiste, Isaïe, Baruc
et au plus haut point dans le Christ, la Parole faite chair.
Et ce dialogue se poursuit chaque jour, dans le cœur de chacun et avec l’Église dans
la liturgie.
Frères et sœurs, pour continuer sur la nouvelle traduction du Missel, je voudrai
m’arrêter sur ce point. La liturgie est un dialogue avec Dieu. Nous oublions parfois
cette évidence.
Il m’arrive de célébrer devant des toutes petites assemblées, et je vous assure que
j’entends parfois à peine ce que répond l’assemblée. Comme si chacun répondait
dans sa barbe pour lui-même, oubliant que l’assemblée répond en tant qu’assemblée,
d’un seul cœur dans un dialogue entre elle avec Dieu.
Avec la liturgie de la Parole, on voit bien à quel point la liturgie est un dialogue.
D’abord il y a la 1e lecture, Dieu parle dans la première alliance. A cette parole de
Dieu, l’assemblée répond par le psaume. Le psaume c’est cela : l’assemblée qui
répond à Dieu. Un psaume où l’on n’entend pas l’assemblée ce n’est pas un psaume.
D’ailleurs dans la liturgie, le vrai nom du psaume c’est « psaume responsorial ».
Ensuite Dieu parle par la bouche des Apôtres dans la 2e lecture. Avec l’acclamation
de l’Évangile, l’assemblée répond en accueillant la Bonne Nouvelle. Cet Évangile
suivi de l’homélie, c’est Dieu qui parle à nouveau, mais cette fois par son Fils. Et par
le Credo et la Prière Universelle, l’assemblée répond en professant la foi de l’Église
et en ouvrant sa prière au monde.
La messe, c’est un énorme dialogue.
Et dans cette nouvelle traduction, quelque chose nous le rappelle fortement. C’est
l’ouverture de la prière sur les offrandes :
Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre,
Soit agréable à Dieu le Père tout-puissant.
R/ Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice
à la louange et à la gloire de son nom,
pour notre bien et celui de toute l’Église.
Notre premier réflexe est de dire : ho la la, c’est trop long ! Et oui c’est long !
Forcément, on dialogue, on parle ! On dialogue, entre le prêtre qui agit selon son
ministère sacerdotal et les fidèles qui agissent selon leur ministère baptismal. Deux
ministères pour une seule offrande.
C’est le moment de la minute théologique, petit rappel :
Le prêtre, pendant la messe, agit au nom du Christ-tête, tête du corps qui est l’Église.
Et les fidèles, eux, agissent comme membres du corps du Christ. La tête et le corps
ne font qu’un et célèbrent ensemble l’Eucharistie.
Dans cette prière, on voit bien les deux ministères pour une seule offrande : « que
mon sacrifice, qui est aussi le vôtre ». Parce que la prière eucharistique, dite par le
prêtre, n’est pas la prière du prêtre, mais bien la prière de tout le corps, de toute
l’Église. Chacun de nous dépose alors sa propre vie sur l’autel, avec le pain et le vin,
en s’unissant au sacrifice du Christ.
Et bien vous voyez comment cette nouvelle traduction associe beaucoup plus
clairement l’assemblée à la prière eucharistique. On ne peut jamais séparer le
ministère du prêtre de l’assemblée des fidèles, de l’ensemble du Corps du Christ.
Frères et sœurs, cette nouvelle traduction de la prière sur les offrandes nous permet
de nous rappeler :
– que la liturgie est un dialogue entre nous, en tant que corps du Christ, et Dieu,
dialogue qui ne date pas d’aujourd’hui et qui se poursuit dans l’histoire,
– que la liturgie devient signifiante quand elle assume cette articulation entre le
sacerdoce du prêtre et le sacerdoce de tous les fidèles, formant ensemble
l’Église qui célèbre.
Frères et sœurs, que cette meilleure compréhension de ce que nous célébrons soit
pour nous comme des ravins qui se comblent pour toujours mieux accueillir le
Seigneur qui nous rejoint dans son Eucharistie.
Amen